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Détours archaïques du cinéma

Informations
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Texte

L’œuvre du cinéaste japonais Jun’ichi Okuyama constitue une synthèse exemplaire de ce que peut être une pratique expérimentale du film. Il s’est intéressé à la diversité des supports de projection possibles, du papier journal au préservatif, à l’exploration des manipulations manuelles ou chimiques de la pellicule, ou bien encore à la modification technique des caméras et des projecteurs, faisant souvent de la projection une action performative. Pour Human Flicker (1975), il dispose côte à côte deux projecteurs 16 millimètres pour superposer les projections sur un seul écran ; muni de deux éventails, il se place ensuite au centre de ce dispositif et vient alternativement boucher les faisceaux lumineux en agitant les bras. Le premier film montre l’image en plan fixe d’un œil fermé, le second celle du même œil ouvert ; la chorégraphie du projectionniste bloque la surimpression et provoque ici le clignotement de l’œil, au son électriquement amplifié du souffle des éventails. Le flicker1 est ainsi activé par la performance. Figure a priori invisible des projections cinématographiques, le projectionniste devient implicitement celui qui produit le mouvement, là où à défaut ne défilerait qu’un motif immobile. L’idée d’une vision binoculaire induite par le couple de projecteurs est contredite par cet œil unique que les éventails agitent ; le performeur fixe l’écran qui le vise à son tour dans un système qui se referme sur lui-même. Il n’y a pas d’échange de regards, mais comme un marionnettiste, l’opérateur commande l’image et crée face à lui une présence fictive. C’est à la fois une mise à l’arrêt et une réanimation du cinéma, qui fait apparaître avec évidence sa nature essentiellement discontinue. L’attention du spectateur se déplace de l’action vers son effet à l’écran par un jeu de va-et-vient qui déplace le regard ; ce dernier n’est plus orienté « vers » mais se tient « entre », dans cet espace incertain séparant le projecteur de son impact lumineux. Ici le film n’existe pas, c’est une virtualité ; il ne se réalise qu’à travers l’interposition éphémère du projectionniste.

L’une des caractéristiques des travaux d’Okuyama tient à leur rapport complexe à la technique aussi bien pour le son que pour l’image. Enregistrement ou diffusion ne suivent pas chez lui les usages professionnels et rien ne fonctionne jamais comme il faudrait. Dans l’un de ses films anciens, No perforations (1971), la pellicule est tirée sans les perforations latérales et passe mal dans le projecteur, ce qui provoque sa fusion progressive sous la chaleur de la lampe. Le visage filmé à l’origine se tord et s’efface petit à petit au rythme du celluloïd qui se consume. Ce qui subsiste de la performance initiale, où l’on voit un film qui ne peut être projeté qu’une fois, est le refilmage de l’écran par une caméra témoin. Deux choses finissent par en faire une seule ; la pellicule et sa destruction par une projection fatale composent un événement visuel où se mêlent les restes visibles du sujet filmé et le spectacle de sa combustion. Le dysfonctionnement technique révèle la matérialité et, par extension, la fragilité même du cinéma analogique.

L’obstination de Jun’ichi Okuyama à affronter la rigidité des dispositifs traditionnels tient à une volonté de produire avec le ruban filmique ce qu’on ne peut transférer à d’autres techniques ; à travers cette recherche d’une spécificité du médium, il incarne en quelque sorte une résistance de la question moderniste. Le caractère aujourd’hui totalement archaïque de ses méthodes de travail ne l’exclut pourtant pas de toute contemporanéité ; par sa rigueur et son exigence il se tient toujours dans une forme d’avant-garde, un terme lui aussi singulièrement daté mais qui marque le caractère intempestif de son cheminement, indifférent à l’actualité.

Pour Sync Pic (2001), Okuyama filme un sudare, un store fin en bambou, utilisé l’été dans les intérieurs japonais afin de les protéger des rayons du soleil. Le regard est ainsi bouché par une surface opaque qui fait écran et produit un sentiment d’immobilité. L’espace est saisi cependant d’une très légère vibration, seul indice qu’une animation a bien lieu. En réalité la caméra ne tourne pas, elle est déclenchée sur un mode photographique, une image après l’autre, la fixité de sa position et la répétition du même motif permettant de conserver un faux sentiment de continuité. Okuyama exploite le tempo discontinu du flicker, mais à travers des articulations tellement faibles qu’il en anesthésie l’effet. Le flicker se réduit paradoxalement à ce frémissement imperceptible du plan. Le sudare est toujours saisi dans un cadre fixe mais les écarts varient, impulsant un rythme visuel irrégulier. Désorienté par cette observation d’une cloison impénétrable, le spectateur finit par découvrir que l’objet du film tient davantage au son qu’à l’image, ou du moins à l’intrication des deux. Le cinéaste a utilisé une caméra 16 millimètres au viseur modifié pour englober la bande sonore de la pellicule ; cette bande court le long des photogrammes formant une piste optique que le projecteur va lire en transformant ses impulsions électriques en son. L’élargissement des dimensions du viseur au-delà des 10,22 x 7,42 mm standards, provoque une interférence en principe inappropriée au moment de la prise de vues. Les tracés lumineux du store définissent alors une « gamme » qui produit une ligne sonore aux intensités variables ; plus l’intervalle entre les lattes se réduit, plus la fréquence s’élève. Le même support produit ainsi deux effets différents l’un visuel, l’image du sudare, l’autre sonore, la lecture optique de cette même image. Les éléments sont parfaitement synchronisés, faisant du projecteur de cinéma un type improvisé de gramophone. En préparant sa caméra, Okuyama provoque une brèche technologique qui restitue à la fois le son et sa représentation physique. Cette synthèse d’éléments a priori séparés dévie le fonctionnement des appareils cinématographiques pour affirmer leur régime essentiellement composite.

Décompositions / recompositions

L’image composite est en général rapportée à la fusion de sources hétérogènes dans le champ des pratiques digitales ; mais, au-delà des recherches empiriques d’Okuyama, tout le cinéma expérimental a développé une pensée du composite, à commencer par l’exploration des processus possibles de démontage et de remontage d’un matériel existant. Le cinéma du remploi présente un terrain éclectique où se déploient des effets d’intersections et d’interférences, alimentés par le stock inépuisable d’images et de sons que constitue, entre autres, l’histoire du cinéma. Le film de Christian Marclay, The Clock (2011) compile ainsi à lui seul des milliers de fragments très courts de toutes époques ; le principe a été de collecter des séquences montrant l’heure sous les formes les plus diverses et de les organiser sur une durée de 24 h exactement, de telle sorte que l’heure aperçue corresponde à l’heure vécue. Le montage se déduit de cet impératif horaire, composant un long cadavre exquis où s’entrechoquent toutes les figures du cinéma ; on peut ainsi passer du western au film soviétique, du noir et blanc à la couleur ou du muet au parlant. Montres, horloges, pendules ou autres, souvent des inserts dans les films originaux, se tiennent à l’intersection de moments étrangers les uns aux autres, qui parviennent malgré tout à produire un étrange sentiment de continuité. À travers ces éléments juxtaposés se retrouve la conviction, forgée par les Surréalistes, que les images parviennent toujours à faire sens, même si c’est le hasard qui les rassemble ; le cinéma possède cette fonction unificatrice, conférant une forme de cohérence à un ensemble disparate.

The Clock n’est pas la simple succession de fragments accolés ; le chevauchement des sons, l’affichage régulier de l’heure mais aussi les raccords d’angles et de mouvements, parviennent à produire une fluidification de la coupe, une douceur des césures. Le rythme des liaisons fait ainsi voir un film au lieu d’une série d’images. Paradoxalement, on retrouve là un principe du montage classique, que Dominique Villain définit par ses coutures imperceptibles, qui doivent s’imposer comme une « évidence » ; ainsi, quand un montage est bien fait, dit-elle, « il semble le seul possible » et « devient invisible » (1991, 32). La discontinuité spatiale et narrative se dissout ici derrière une expression visuelle du temps qui passe, offrant un spectacle de la durée même, avec le sentiment diffus qu’à tout moment quelque chose pourrait advenir.

La pratique de l’échantillonnage et du collage est une méthode éprouvée depuis au moins Rose Hobart de Joseph Cornell (1937), et de ce point de vue Christian Marclay n’a rien inventé. La puissance de The Clock tient à la dimension vertigineuse de l’entreprise, qui ajuste réalité et fiction dans un film accessible à n’importe quel moment de la journée (et par conséquent de son évolution narrative), mais impossible à voir du début à la fin. Le pointage systématique de l’heure établit un déroulement linéaire qui ordonne strictement les fragments, mais la temporalité reste flottante en raison de l’hétérogénéité des images, qui mélangent les époques, aussi bien à travers les dates de création des œuvres originales, qui s’étalent sur soixante-dix ans d’histoire du cinéma, que par le biais des reconstitutions historiques. The Clock expose à la fois le chronométrage d’une journée entière et une conjonction poétique des temps, qui délivre une fiction sans début ni fin où les événements s’enchaînent mais tournent à vide.

Le cinéma dans son ensemble est là une vaste base de données, sans considération d’éventuelles intentions critiques. Toutes les combinaisons deviennent envisageables ; le montage stoppe dans ce cas à 24h00, mais apparaît toujours transformable et potentiellement interminable. La tentation d’un remontage sans limite ne relève plus d’approches minoritaires ; elle alimente au contraire aujourd’hui une pratique largement répandue, dont on aperçoit les effets entre autres sur les réseaux sociaux. L’exposition Monter-Sampler , organisée au Centre Pompidou en 2000 par Yann Beauvais et Jean-Michel Bouhours, proposait en sous-titre « l’échantillonnage généralisé » ; avant le web 2.0 et le développement massif du peer-to-peer, les auteurs constataient l’impact de ces démarches d’appropriation et de recyclage dans le champ de l’art, mais n’imaginaient pas sans doute l’ampleur qu’elles allaient prendre lors de la décennie suivante. Au-delà du found footage expérimental, à l’audience plus ou moins confidentielle, le développement des gestes de reprise était déjà perçu dans le catalogue qui accompagnait l’exposition comme un signe des temps, où se brouille la notion d’auteur et où se dissipent les frontières entre les disciplines. L’ouvrage (Beauvais et Bouhours 2000) pointe de façon prémonitoire la tension qui s’exprime là sur les droits de propriété et le développement du piratage, prenant de ce point de vue une position militante (surprenante pour un événement institutionnel) en faisant du droit d’auteur « une entrave à la création contemporaine ». Le chapitre rédigé par Yann Beauvais, intitulé « La Propriété, c’est du vol », revendique de façon explicite la possibilité pour un artiste de reprendre, remixer, détourner sans barrières, en dehors de leur exploitation économique, toutes les images disponibles. L’accélération du phénomène a généré une production hétéroclite, qui mêle les références et tend à effacer la distinction entre artiste et simple amateur. La « généralisation » de l’échantillonnage programmée par Monter-Sampler a pulvérisé ses limites avec l’avènement du numérique et déjoué implicitement la nécessité de faire œuvre. Par sa dimension monumentale The Clock apparaît comme un effet d’époque, l’expression d’un symptôme des possibles où le procédé est porté à son extrême, aussi bien par son gigantisme que par la fusion de l’hétérogène qui vient étrangement s’y exercer.

Géologie du film

La fonction du montage est d’opérer un tri entre les images et de séparer ce qui est présentable de ce qui doit être écarté. Dans ce contexte, on pourra conserver un fragment plus faible que d’autres en ce qu’il s’ajuste mieux à ce qui suit ou ce qui précède. Le cinéaste russe Lev Koulechov, dans un texte de 1920, a théorisé de ce point de vue un principe de « ciné-composition », jugeant que « l’essence du cinéma doit être recherchée non pas dans les limites du fragment filmé mais dans l’enchaînement de ces mêmes fragments » (1994, 41). Les associations visuelles qui se créent sont ainsi en mesure d’inspirer des images mentales absentes de la réalité représentée (ce que Koulechov a voulu démontrer avec l’Effet K). Le montage vise là une « harmonie » permettant d’obtenir « un effet artistique » (Koulechov 1994, 42) ; les pratiques expérimentales ne servent pas cette recherche d’une continuité signifiante, mais s’attachent au contraire à ce qui la perturbe : les images qui clignotent, le remontage de chutes, de restes, de ratés, de ruines, le montage aléatoire en forme de cadavre exquis ou les dérèglements temporels. Christian Marclay subvertit les fonctions traditionnelles du montage linéaire en organisant les séquences collectées à partir d’un événement factuel qui les dépasse et ignore leur contexte original. Le matériel accumulé se trouve reprogrammé au sein d’un nouveau continuum à la chronologie aléatoire. Le langage visuel qui s’y établit utilise des « effets » de montage, sans que ces derniers déploient une narration définie. Se croisent ainsi l’organisation inerte que constitue la base de données et un régime dynamique qui vient l’activer. Ce n’est pas le défilement des séquences, l’assemblage en d’autres termes, qui devient significatif, mais leur superposition apparente, c’est-à-dire un schéma perceptif qui conduit à recevoir les images non pas l’une à côté de l’autre mais l’une sur l’autre. Dans un texte concernant le cinéaste allemand Werner Nekes, François Bovier explique à ce sujet que « l’ajointement des photogrammes provoque leur superposition – qu’un montage vertical permet de démultiplier » (2003). La sensation visuelle provoque ce dépassement de la lecture d’images enchaînées, saisissant un développement composite, là où dans les faits il ne semble y avoir que juxtaposition.

D’autres méthodes peuvent être sollicitées qui engagent précisément un type de réflexion plus « vertical », susceptible de permettre la « démultiplication » évoquée plus haut ; le film du cinéaste autrichien Peter Tscherkassky Outer Space (1999) propose, par exemple, un véritable inventaire des manipulations possibles d’une pellicule cinématographique, du laboratoire à la table de montage. Tscherkassky reprend un film d’épouvante de Sidney J. Furie, The Entity (L’Emprise, 1982) avec Barbara Hershey, tiré en noir et blanc, puis réutilisé image par image. L’examen du ruban de pellicule relève dans ce cas d’une nouvelle cartographie de l’espace ou le regard ne s’attache plus à la séquence de temps, mais au point fixe que constitue le photogramme ; celui-ci devient la matrice d’une nouvelle configuration du mouvement, dont le rythme asynchrone n’a plus rien à voir avec le cours réaliste de la version originale. Outer Space joue d’une superposition massive de plans mis en pièces en tous sens, provoquant un chaos visuel qui culmine avec l’apparition progressive d’un flicker actionné par le choc entre des images positives et négatives. Le montage travaille un entrelacs de figures composé de surimpressions, de répétitions, d’effets de miroir, de décadrages, de débordements, allant jusqu’à inclure les perforations de la pellicule 35 millimètres et les tracés de la bande son. Ce tressage visuel produit une surface sans profondeur où l’on ne s’attache pas tant aux images qu’à la violente pulsation qui les emporte. Le film passe de l’obscurité à l’éblouissement à travers une montée progressive de la tension, qui pousse Barbara Hershey dans un tumulte frénétique, où son reflet se disperse pour se défaire et se recomposer sans cesse. Les premiers plans montrent un pavillon de banlieue plongé dans le noir, éclairé de façon aléatoire par des halos lumineux qui balayent le champ de vision. L’effet de cet éclairage parcellaire va suivre tous les mouvements de l’actrice, offrant le sentiment curieux d’observer le personnage d’un film à la lueur d’une lampe de poche. Cette ponctuation lumineuse peut être obtenue en laboratoire par l’exposition de parties précises du négatif, le reste demeurant obscur. La réalité matérielle du support apparaît constamment, pour devenir le sujet même, à travers de multiples surimpressions qui révèlent l’intégralité du ruban de celluloïd. Les perforations, en particulier, sont bien visibles ; alternativement noires ou blanches (du négatif au positif), celles-ci créent un motif rectangulaire répété qui déclenche des clignotements intenses. Pour désigner le principe de la surimpression, le vocabulaire anglais utilise le terme superimposition, dont la tournure très concrète caractérise mieux l’exécution de cet entrecroisement de strates d’images, qui finit par faire disparaître toute forme identifiable.

La surimpression est un dispositif récurrent des pratiques expérimentales dont les effets introduisent un cinéma de la perception. Elle associe des espaces contradictoires, multipliant les points de fuite pour rendre impossible l’établissement d’une vision en perspective ; il n’y a plus ni proche ni lointain, les formes se confondent pour créer un plan opaque qui ne sert plus les fonctions traditionnelles de représentation. Le cinéma se sépare ici de l’optique, pour rejoindre des pratiques interrogeant la structure même de l’image en dehors de toute intention discursive. Dans In the Shadow of the Sun (1980), le cinéaste anglais Derek Jarman a superposé ainsi quatre de ses anciens films réalisés en super-82 en les ralentissant sensiblement ; les films additionnés créent une surface mouvante à la couleur granuleuse, que des figures traversent comme des spectres. Cette composition par niveaux au défilement très lent, loin de la dimension explosive de Outer Space, transforme l’écran de cinéma en un tableau virtuel devant lequel l’attention devient contemplative. La surimpression n’est pas simplement la somme de deux images ou plus, elle crée une nouvelle unité, particulièrement sensible dans ce film, où la matérialité affirmée du super-8 crée une épaisseur, un trouble, dont la densité semble alourdir les mouvements qui se dessinent ; le glissement des couches d’images crée une vibration du plan, un jeu de couleurs saturées, d’ombres et de lumières où apparaissent et disparaissent des formes évanescentes. Ces actions de recouvrement multiplient les tensions au sein d’un même espace, générant des surfaces composites déliées des logiques de l’empreinte et de la trace, où disparaît tout dialogue entre champ et hors-champ.

Pour Pierre-Damien Huyghe, le cinéma demande d’abord à être « aperçu », et emprunte à « une technique obstinément extrinsèque au langage » (2012, 98). Les méthodes de surimpression sont une manifestation explicite de cette extériorité, mais n’empêchent pas la suggestion d’une trame narrative, même si celle-ci est étrangère au verbe ; dans le cinéma classique elles permettent d’exprimer ce qui relève de l’invisible, le rêve, le souvenir, l’introspection ou le passage du temps, comme l’a montré Marc Vernet (1988). Dans les conditions d’un cinéma « non-verbal », le film de Stan Brakhage Dog Star Man (1964) est un long poème lyrique autour du rythme des saisons, la lutte avec la nature, l’éveil d’une conscience intime du monde ; le récit n’est pas linéaire, il tiendrait plutôt à des sensations, des impressions suggérées par un entrelacs de films superposés organisant un dialogue silencieux entre des figures qui s’avancent puis se dissolvent les unes dans les autres. Construit en cinq parties, dont un Prelude, Dog Star Man est un crescendo passant, à travers de multiples variations, de deux films superposés à quatre dans une progressive densification des plans. La surimpresssion suit ici un montage fait de très courtes séquences, intégrant des pellicules grattées, percées, brûlées dont les déchirures fusionnent avec les images intactes placées par dessous. Le montage, à la fois vertical et horizontal, dessine un flux visuel à deux dimensions où les images s’amalgament en effaçant toute profondeur de champ.

Cet aplatissement de l’espace peut devenir l’objet même de la réflexion. Dans la série Illuminated Average l’artiste américain Jim Campbell superpose ainsi numériquement tous les photogrammes de différents longs métrages ; ces derniers cessent alors d’être un déroulement pour devenir un dépôt d’images fonctionnant par couches. Dans Illuminated Average n°1 (2000), il reprend Psychose d’Alfred Hitchcock et décompose les 1h50 du film pour le reconstituer sous l’aspect d’une image unique. Psychose se réduit alors à une surface grise diffuse ; une zone lumineuse se maintient au centre de l’image les bords restant dans l’ombre, trahissant l’orientation de l’éclairage au moment des prises de vues. Ce qu’il faudrait appeler la mémoire du film réside dans la trace, ce qui reste visible, une lampe, de façon assez surprenante, peut-être quelques éléments de mobilier, et la révélation d’un aspect indiscernable en temps normal du schéma photographique. Le travail de Campbell ne s’attache pas à la matérialité de la pellicule et Psychose n’a ici aucune réalité ; il s’agit d’un processus d’accumulation de données, dont la contraction en un seul élément est le résultat d’une moyenne, calculée par un algorithme. Ce déplacement du film, pensé comme un stock d’informations, est déjà implicitement une projection. Il ne subsiste de Psychose qu’une empreinte indécise, qui synthétise l’intégralité de sa composition. L’image finale apparaît dans une boîte lumineuse aux dimensions modestes (76 x 45,7 cm), qui expose une vision du film en entier mais sous une forme arrêtée, loin du grand écran et privé du défilement pour lesquels il a été conçu. Ce temps figé, ramassé en un tableau sans durée, ne livre qu’un fantôme de la version initiale. Le rétro-éclairage du dispositif d’exposition renforce le sentiment d’immatérialité produit par cette image à l’aspect brumeux et flottant, qui ressemble à une plaque de verre mal impressionnée, paraissant nous ramener aux premiers temps de la photographie.

Le cinéma dans le rétroviseur

En cherchant « image composite » dans Google3, le premier item apparaissant est une publicité qui propose de télécharger le logiciel Microsoft Image Composite Editor. Celui-ci fait cette offre séduisante :

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Il s’agit ici de pouvoir « fusionner » des images différentes, le logiciel se chargeant « automatiquement » de la tâche, assurant l’effort à la place de l’utilisateur et pensant l’image à sa place. Le résultat est annoncé « net et sans traces de coupures », ce qui garantit l’efficacité de la simulation. Le caractère hétérogène de l’image se dissimule derrière une apparente vraisemblance qui agit comme un leurre. Ce souci de transparence n’est pas sans rappeler la peinture académique du XIXe siècle dans laquelle les traces d’exécution doivent rester imperceptibles et s’effacer derrière le spectacle que le tableau met en scène4. Le programme des peintres dits « pompiers » est ainsi infléchi par une image finale préconçue. L’image composite, telle qu’elle est définie ici, n’échappe pas à ce modèle illusionniste, qui doit garantir l’effet visuel et offrir une jouissance de la représentation. De ce point de vue, elle apparaît comme la résurgence paradoxale d’une tradition académique, qui veut faire de l‘image une apparition.

Selon le théoricien des médias Lev Manovich, le cinéma numérique a créé un univers flexible ouvert à toutes les transformations où « chaque image, indépendamment de son origine, passe avant de se retrouver dans le film définitif à travers une série de programmes informatiques » (2010, 519), ce qui ramène au premier plan des méthodes « de construction et d’animation manuelles » (2010, 520). Les séquences filmées sont un matériau brut destiné à une manipulation digitale, faisant de la production « la première phase de la post-production ». Cette situation, explique Manovich, fait paradoxalement reculer l’automatisation pour réhabiliter des traitements image par image par lesquels l’histoire de l’image en mouvement revient aux formes archaïques du premier cinéma. Ce retour aux origines réactive la « peinture à la main de tous les photogrammes d’un film », appliquée cette fois aux techniques informatiques, où les outils traditionnels font place à des opérations de calcul. Manovich voit dans ces possibilités de manipulations, qui débordent les limites du « photographique », une ouverture du cinéma au pictural ; dans ce cinéma numérique envisagé comme peinture « étant donné qu’un artiste est en mesure de manipuler facilement une séquence numérisée dans sa totalité ou image par image, un film devient grosso modo une série de tableaux » (2010, 522). Selon lui, le cinéma cesse alors d’être « une technologie médiatique indexicale, pour devenir plutôt un sous-genre de la peinture » (2010, 511) ; le cinéaste est en mesure de « traiter l’image film comme une peinture à l’huile », c’est-à-dire par couches successives et si nécessaire sur un temps long en s’autorisant reprises et repentirs. Toutes les techniques du cinéma expérimental consistant à agir directement sur le ruban filmique, qu’on peut peindre, gratter, effacer, lacérer, se trouvent incidemment reconvertis « dans les métaphores des commandes et de l’interface du logiciel » (Manovich 2010, 526) ; la révolution numérique a ainsi reprogrammé des démarches esthétiques a priori obsolètes et jusque là cantonnées à des expressions marginales ou minoritaires, redéfinissant « ce qu’il est possible de faire avec le cinéma ». Les strates matérielles que supporte le celluloïd où peuvent se superposer photographie, reprises graphiques, peinture, traces se transfèrent dans la construction de l’image informatique : « l’avant-garde, conclut Manovich, a fini par se matérialiser dans un ordinateur » (2010, 526).

Si l’on suit ce raisonnement, l’image composite réhabiliterait, au sein d’un monde digital techniquement étranger à la peinture, une nouvelle dimension qu’on pourrait dire « pictorialiste ». L’image en mouvement compose là avec le photographique, ses ajustements et ses transformations, mais se sépare de l’optique pour devenir la synthèse d’opérations successives. Sa vision de la peinture, qui réduit les pratiques picturales à la création d’images aux effets illusionnistes, oublie l’imprévisibilité, le hasard, l’absence de calcul, l’indécison qui les affectent et suscitent des conduites sans rapport avec des compétences de codage et de décodage. La mutabilité de l’image logicielle qui conduit, selon Manovich, à une généralisation des techniques d’animation et au retour des usages manuels du premier cinéma, déplace les perspectives et nous porte au-delà du visible. Pour Jussi Parikka, « ce que nous voyons (et entendons) est conditionné par toute une couche de ce qui paraît précisément échapper à la sensation : les mathématiques du logiciel » (2017, 84). Walter Benjamin comparait le peintre à un mage et le cinéaste à un chirurgien (2000a) ; les pratiques numériques, qui opèrent à partir du pixel et d’une matrice indéfiniment transformable, semblent singulièrement réévaluer cette dichotomie.

Le retour du « sensationnel »

La « sensation » dont parle Parikka n’est pourtant pas absente de ce régime d’images a priori désincarnées, mais elle se réintroduit, non depuis une puissance technologique, mais au contraire à partir de sa subversion en jouant des définitions altérées, de la panne ou des dérèglements. Cette esthétique de la défaillance n’est pas étrangère au cinéma dit expérimental, on l’a vu avec Okuyama, et constitue même un premier aspect de l’art vidéo. Avant même l’apparition d’un dispositif de capture (le Portapak en 1965), l’image électronique a été manipulée par des artistes détournant les fonctions de réception des postes de télévision pour en faire des appareils de production d’images. Dès la fin des années 1950, Wolf Vostell s’est attaché à altérer la stabilité horizontale et verticale des téléviseurs en forçant les réglages alors accessibles à l’arrière des postes. Son œuvre Deutscher Ausblick (Point de vue allemand, 1958), première pièce connue comportant une télévision en marche, fait voir un appareil à l’image flottante au sein d’un assemblage de barbelés, de planches de bois brûlées, de tôles, de jouets… Vostell appelle ses déréglages électroniques des « dé-coll/ages », faisant référence à la lacération d’affiches, qui permet d’abolir la surface et de faire communiquer les couches d’images. Les stries, les ondulations et autres perturbations ne sont pas là des dysfonctionnements, mais un état possible de l’image, qui révèle l’hétérogénéité du flux télévisuel. Un peu plus tard, en 1963, Nam June Paik parviendra à obtenir des variations à partir d’un même signal en modulant le passage des électrons dans le tube cathodique avec des aimants, des générateurs de sons, l’inversion de diodes, pour faire de chaque téléviseur ainsi « préparé » un dispositif unique non reproductible5. Le théoricien des médias Friedrich Kittler, fustigeant ce « soi-disant art vidéo (…) à la qualité d’image expressément mauvaise », a vu là « une esthétique de l’image parasite, volontairement inférieure au standard de la télévision » (2015, 252) (dont l’inspiration initiale serait à trouver dans les figures graphiques aléatoires des premiers radars militaires). Ces procédés empiriques, que Paik lui-même a qualifié de bricolages, sont les agents d’une déconstruction, qui exposent incidemment la réalité technologique de l’image.

« Parasitages » et dérèglements révèlent les strates sous-jacentes, entre l’effet réaliste de l’image électronique et la trame qui la constitue. Les jeux d’interférences font apercevoir là un monde composite par nature où les formes sont en mesure de se faire et de se défaire constamment. Le fonctionnement du premier modèle de synthétiseur vidéo conçu par le duo Nam June Paik / Shuya Abe, qui servira à créer Global Groove (1973), manifeste avec évidence cette structure composite. Construit à partir de sept caméras de vidéo-surveillance noir et blanc, l’appareil permettait de manipuler le signal et de maîtriser ce qui n’était au départ que des altérations empiriques. Chaque caméra était calibrée pour diffuser une couleur spécifique, les 7 canaux étant ensuite combinés en temps réel pour produire un catalogue d’effets : inversion de couleurs, mélanges, incrustations, détourages, répétitions, etc. Le bricolage technologique de Shuya Abe (Paik parlera du synthétiseur comme d’une machine à sous) révèle un dispositif qui anticipe la structure de l’image informatique composée de couches distinctes aux attributs spécifiques.

La question du « parasite », qui semble désoler Kittler, est pourtant devenue un aspect décisif des pratiques liées aux médias audiovisuels. La performance de l’artiste néerlandaise Rosa Menkman The collapse of PAL (2011)6 associe deux écrans qui montrent une lutte entre le signal PAL d’un côté et la norme DVB (Digital Video Broadcasting) de l’autre ; l’opposition expose précisément les possibles mutations de deux natures différentes de figures composites. À l’aide d’appareils défaillants ou obsolètes (entre autres un appareil photo numérique en panne pour l’image, une cracklebox, un Eurosignal pour le son), Rosa Menkman provoque des perturbations de l’image, stries, balayages, pixelisations laissant entrevoir des personnages ou des paysages, dans une nouvelle forme de « décollage » audiovisuel (un glitch, suivant la dénomination contemporaine), qui traduisent son anatomie composite. Dans la confrontation des écrans, le signal PAL renvoie des formes le plus souvent illisibles, manifestant en quelque sorte la défaite de sa technologie ; l’artiste offre le spectacle de cet effondrement, tout en lisant un récit inspiré de la figure métaphorique de l’Ange de l’Histoire décrite par Walter Benjamin dans Sur le concept d’histoire (2000b), qui engage à penser l’Histoire à partir de la catastrophe. Le signal PAL, devenu obsolète, prend ici la place du vaincu qui, face à la puissance des forces du progrès, devient impossible à sauver. La performance, qui exploite des conflits strictement technologiques, cherche à incarner les événements en introduisant dans l’univers froid des normes audiovisuelles à la fois un sens de l’histoire et un étrange sentiment du tragique.

Le déroulement de la performance, qui associe images projetées et commentaires en direct, n’est pas sans rappeler la figure populaire du bonimenteur dans les premiers temps du cinéma, dont la fonction était de présenter le spectacle et de raconter ce que les images taisent. Rosa Menkman adopte ce rôle en conférant à une double projection d’apparence techniciste un souffle narratif. En cela elle rejoint Okuyama qui, avec d’autres moyens, produit également des récits dont les appareils sont les protagonistes ; à l’instar de Human Flicker, où il cherche lui aussi à commander l’image en direct, ses performances sont animées par une pensée rigoureusement structurelle du film, mais le mettent en scène à la manière d’un personnage burlesque dans une histoire sans paroles. Le composite ne tient pas là à des processus d’homogénéisation de sources disparates, mais au contraire à la révélation des structures discontinues à la fois des images et de leurs dispositifs de médiation.

Bibliographie

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  1. Flicker est un terme qui désigne dans le cinéma expérimental une technique de la discontinuité du rythme cinématographique, se traduisant par un fort clignotement de l’image.

  2. A Journey to Avebury (1971), Tarot (1972), Fire Island (1974), Art of Mirrors (1973).

  3. https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=image+composite+%C2%BB+, consulté le 13 janvier 2021.

  4. Pour plus de développements sur cette question on peut se référer à la première partie de mon texte Effacer, défaire, dérégler… (2015), consacrée au peintre Jean-Paul Laurens.

  5. Les treize téléviseurs préparés de sa première exposition personnelle, Exposition of Music-Electronic Television, Galerie Parnass, Wuppertal, 1963.

  6. https://www.youtube.com/watch?v=DuDwaQDzOZc, consulté le 24 mai 2020.

Nardin Patrick 0000-0002-9561-9361
Beyrouthy Damien 0000-0002-9315-9859
Wormser Gérard 0000-0002-6651-1650
Détours archaïques du cinéma
Patrick Nardin
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2022/01/05 Images et mondes composites
Dans le champ des images composites, la représentation se sépare des dispositifs optiques pour devenir une réalité simulée conçue à partir d’un principe d’assemblage. Si l’on considère l’image en mouvement, cette définition fait l’impasse sur les schémas de médiation, qui développent des mondes composites où l’image n’est jamais une donnée stable ; en problématisant les systèmes de diffusion, en exploitant des procédés empiriques, en s’affranchissant de tout préalable littéraire, le cinéma dit expérimental révèle des espaces essentiellement composites ; les pratiques qui s’y déploient, où le rapport au matériel est déterminant, peuvent ainsi agglomérer les situations les plus hétérogènes. Le recours à des techniques obsolètes ou à des méthodes parfois archaïques, n’est pas une niche ; ces procédures atypiques font retour dans la culture informatique, où se réhabilite paradoxalement le traitement manuel des images. De fait, l’image numérique n’est pas dépourvue de matérialité et ne se situe pas nécessairement en rupture avec les systèmes analogiques. Il reste que la démarche artistique n’est en rien une entreprise de communication et qu’elle s’ajuste mal aux prescriptions esthétiques ; la question de l’image composite est ici problématisée au lieu d’être définie. Ce ne sont pas les processus d’homogénéisation de sources disparates qui sont considérés, mais au contraire le « démontage » des procédés et la révélation de la structure discontinue des images.
In the field of the composite images, the representation separates itself from the optical devices to become a simulated reality conceived from a principle of assembly. If we consider the image in movement, this definition makes the impasse on the schemes of mediation, which develop composite worlds where the image is never a stable data; by problematizing the systems of diffusion, by exploiting empirical processes, by freeing itself from any literary preliminary, the so-called experimental cinema reveals essentially composite spaces; the practices which are deployed there, where the relation to the material is determining, can thus agglomerate the most heterogeneous situations. The recourse to obsolete techniques or to sometimes archaic methods, is not a niche; these atypical procedures make a comeback in the computer culture, where the manual treatment of images is paradoxically rehabilitated. In fact, the digital image is not deprived of materiality and is not necessarily situated in rupture with the analogical systems. It remains that the artistic step is not in any way an enterprise of communication and that it adjusts badly to the aesthetic prescriptions; the question of the composite image is problematized here instead of being defined. It is not the processes of homogenization of disparate sources that are considered, but on the contrary the "dismounting" of the processes and the revelation of the discontinuous structure of the images.
Cinéma http://data.bnf.fr/ark:/12148/cb119361188
Cinéma expérimental, Art vidéo, Peinture, Montage, Performance, Projection, Techniques obsolètes, Found-footage, Art contemporain, Appareils, Interférences – intersections, Dispositifs d’exposition
Experimental cinema, Video art, Painting, Editing, Performance, Projection, Obsolete techniques, Found-footage, Contemporary art, Devices, Interference – intersections, Art exhibition methods