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Ethnogenèses et création d'Etats : le cas de l'aire baltique

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Texte

Communication présentée lors de la journée d’étude « ’Peuple’ et ’Volk’ : réalité de fait, postulat juridique » organisée à l’Université de Paris X-Nanterre le 10 décembre 2005

C’est toujours en rapport avec les autres et bien souvent contre ceux-ci qu’un individu forge sa personnalité. Il en va dans une large mesure de même des peuples et des États et il n’est par conséquent pas sans intérêt d’examiner quelques cas concrets d’ethnogenèses dans des contextes de cohabitation. Parmi les nombreux exemples d’ethnogenèses documentées et « lisibles » qu’offre l’Europe Médiane, celui de la zone sud-est de la Mer Baltique entre le golfe de Finlande et la Vistule apparaît particulièrement intéressant et instructif.

Nous brosserons tout d’abord à grands traits l’histoire souvent mal connue de la région avant d’examiner comment cette histoire se révéla « productrice d’identité » pour un certain nombre de nations.

Une longue interaction peuples majoritaires - peuples minoritaires

Afin de bien appréhender les évolutions complexes du spectre ethnologique de la région, nous examinerons successivement la période ancienne puis la période contemporaine de l’histoire des peuples et des États en question.

Le poids de l’histoire ancienne

L’ère sud - baltique était à l’origine (entre 5 000 et 10 000 avant notre ère) habitée par des tribus proto - baltes (Indo-européennes donc) au sud et finno-ougriennes (Ingriens, Estoniens, Lives) au nord de la rivière Daugava (Dvina occidentale). Jusque vers l’an 1000 de notre ère, ces divers peuples vécurent isolés sur leurs territoires respectifs, se contentant de se battre entre eux, de se heurter périodiquement à leurs voisins slaves ou de repousser des incursions nordiques (ou au contraire de conduire des expéditions vers les rivages scandinaves).

Au tournant du 10e siècle, les langues finno-ougriennes (estonien, live, finnois...) et baltes (borusse, letton, lituanien...) sont déjà assez bien différenciées, mais les ethnogenèses des peuples correspondants sont en revanche à peine amorcées. Ceux-ci vivent encore sous un régime de petites principautés rivales (par exemple au sud : Coures, Latgaliens, Lettes, Prussiens, Samogitiens, Semigalliens) groupées autour d’un chef et aucune véritable prise de conscience identitaire chez ces peuples sans écriture n’est notée.

Tout va commencer à changer à partir du 11e siècle avec de massives interventions étrangères.

Le domaine lituanien

La zone sud-sud-est du territoire examiné, pour l’essentiel des terres de peuplement lituanien (encore païen) qui verront par la suite la naissance du Grand Duché de Lituanie (GDL), se trouve en butte aux attaques constantes des Tatars de la Horde d’or d’une part, des chevaliers de l’ordre Teutonique (Deutscher Orden), d’autre part. Ces derniers, dûment munis d’une bulle papale, ayant subjugué puis pratiquement éliminé les Borusses entre 1231 et 1283, établiront ensuite (1309) leur citadelle en Mazurie polonaise, dans ce qui deviendra ultérieurement la partie sud-ouest de la Prusse orientale. Ils n’auront dès lors de cesse d’élargir leur domaine et de convertir ces Sarrasins du nord que sont à leurs yeux les Lituaniens.

Au début du 13e siècle, soumis à la pression conjuguée de leurs voisins de l’Ouest et du Sud, les Lituaniens entreprennent un processus d’unification nationale et créent un état qui, devenu le Grand duché de Lituanie sous la houlette du prince Mindaugas, se consolidera rapidement (1236) pour donner naissance au Grand duché de Lituanie (identifié par la suite par l’acronyme usuel de GDL).

Le GDL mènera dorénavant pendant près d’un siècle une longue lutte contre les chevaliers de l’Ordre Teutonique (devenu par la suite en 1202 l’Ordre de Livonie) qui s’achèvera en 1410 avec la défaite de ces derniers à Grünewald - Tannenberg (Prusse - Orientale). Mais la menace vient désormais aussi de l’Est et, l’ennemi germanique neutralisé, les combats se poursuivirent contre les troupes du Duché de Moscovie. En dépit de ces menaces constantes, jusqu’au 15e siècle, le GDL, ralliant (ou conquérant) les principautés ruthènes du Sud, ne cessera de croître, atteignant les rives de la Mer noire (15e siècle) et couvrant une superficie de plus de 600 000 km2.

Mais le duché de Moscovie qui continuait simultanément à monter en puissance s’inquiétait de l’ampleur territoriale et du prestige de son voisin de l’Ouest. Bientôt Moscou, exploitant les divisions internes d’un GDL déchiré entre clans rivaux, commencera à « grignoter » militairement une grande partie des terres Sud - orientales de son rival 1 .

Entre temps, le Grand Duché, de plus en plus étroitement uni politiquement à la Pologne, par les traités successifs de Kreva (1320) et de Lublin (1560) se convertira au catholicisme romain et connaîtra, par le biais de l’église et de la noblesse, un intense processus de polonisation. Au 19e siècle, pour la noblesse lituanienne, être lituanien n’est plus qu’une façon particulière d’être polonais.

Les provinces baltiques

Au nord de la zone étudiée, les populations lettonnes (baltes) et estoniennes (finno - ougriennes) connaîtront un sort sensiblement différent. Du 8e au 10e siècle, une partie des terres estoniennes occidentales ainsi que certains territoires lettons (le long des rivières Gauja et Daugava) sont colonisés par les Vikings venus de Scandinavie qui introduisent le commerce et la monnaie et inaugurent un intense brassage de populations. Leur processus d’édification nationale n’ayant pas encore atteint un stade de maturation avancé, les tribus estoniennes, lettones et Lives furent « visitées » à partir du 12e siècle par des moines allemands (1170), colonisées (fondation de Riga en 1201) et finalement dominées et converties par les chevaliers germaniques sans même avoir eu le temps ni de s’unir ni d’engendrer leur propre noblesse.

Au terme d’une active pénétration - évangélisation, les provinces de Courlande, Semigalle (Zemgale) et Livonie se trouvèrent bientôt parsemées de villes, de monastères et de châteaux allemands, quadrillant complètement le pays en un dense réseau de souverainetés rivales ... mais toutes allemandes. Ces « provinces baltiques » réunies vers 1290 avec la Prusse - Orientale au sein d’une confédération faisant figure de véritable État de l’ordre (Ordenstaat) livonien, connaîront dorénavant une intense germanisation.

Notable différence avec la zone lituanienne : en l’absence de noblesse autochtone, ce sont les junkers descendants des chevaliers germaniques convertis au protestantisme peu après la réforme de Luther qui représenteront durablement la « couche supérieure » (Oberschicht) de la société du pays. Pour les observateurs étrangers, les « provinces baltiques » seront désormais connues comme les régions allemandes de Russie occidentale.

À partir du 15e siècle, les autorités établiront à leur profit dans la région un véritable régime de servage. Dès lors, les paysans locaux réputés Erbbauern (paysans héréditaires) seront attachés à leur terre comme de simples accessoires de celle-ci. Les artisans, quoique demeurés libres, n’en sont pas moins souvent exclus des guildes et corporations allemandes. Plus généralement, dans le cas lituanien comme dans les cas letton ou estonien, la population autochtone, réputée arriérée 2 , verra sa culture et ses traditions marginalisées au profit de celles d’une puissance étrangère.

L’influence de l’histoire récente

À partir du 18e siècle, au terme de plusieurs guerres, l’ensemble de la zone se trouve sous contrôle russe 3 à la suite des partages successifs de la Pologne - Lituanie (1772, 1793, 1795). Dans ce contexte, les populations subissent un processus de russification plus ou moins énergique. Pendant longtemps, seule la classe supérieure et la partie de la bourgeoisie liée au Centre (notamment bien sûr les militaires) seront cependant concernées. À la fin du 19e siècle, le russe sera déjà connu d’une grande partie des populations autochtones en tant que seconde langue.

Après l’annexion russe et pour la première fois, se trouve intégrée au sein de l’Empire une importante population juive que l’administration impériale, très liée au monde orthodoxe, dut rapidement apprendre à « gérer ». Après diverses tentatives d’intégration plus ou moins réussies, Catherine II décida finalement en 1760 de cantonner la population juive de l’Empire dans « une zone de peuplement » aux marges » occidentales de celui-ci. Le territoire de l’ex-GDL et une partie des provinces lettonnes appartiendront désormais à cette « zone d’établissement ». Cette population juive, après avoir connu des périodes heureuses et des époques fort difficiles, fut finalement presque entièrement exterminée par les nazis entre 1940 et 1943.

Les premières indépendances baltiques

Au cours de la seconde moitié du 19e siècle, dans la foulée des réveils nationaux écossais, allemands, russes ou tchèques, les peuples baltiques connaîtront eux-mêmes de tardifs mouvements d’affirmation identitaires puis nationaux. La chute de la Russie impériale permit à plusieurs peuples de la périphérie occidentale du pays d’accéder à l’indépendance (États baltiques, Caucase sud, Biélorussie, Ukraine ...). Pour certains, dont le processus d’éveil national et de construction identitaire était loin d’être achevé, cette indépendance ne fut qu’éphémère, le pays (Biélorussie, Ukraine, Caucase sud) ayant par la suite été rapidement repris par la Russie bolchevique. Pour les peuples baltiques en revanche, celle-ci dura vingt ans et permit de consolider et d’asseoir le sentiment d’appartenance à une nation « achevée » à vocation indiscutablement étatique.

La Seconde Guerre Mondiale constitue pour tous les peuples de la région, situés dans la zone du front un effroyable traumatisme. Après tant de massacres et de déportations, rien désormais ne sera plus pareil.

Durant la période soviétique qui suivit la réintégration de l’ensemble de la zone à l’URSS après la Seconde Guerre mondiale, de très nombreux groupes de population - tant majoritaires que minoritaires 4 - furent exterminés, déplacés ou déportés alors que des travailleurs migrants en provenance de l’intérieur de la Russie s’installaient massivement à l’Ouest de l’empire et notamment en Estonie et en Lettonie. Entre 1945 et 1989, résultat d’innombrables allers et venues, le pourcentage de population allo-chtone passe ainsi respectivement de 10 à 40 % et de 10 à 49 % pour l’Estonie et la Lettonie.

La crainte de voir leur nation disparaître face à une marée toujours montante de russophones a certainement joué un rôle important lors des mobilisations populaires (appelées sur place Révolutions chantantes en raison du rôle qu’y joua le chant choral) qui ont abouti à la restitution de l’indépendance des trois États en 1991.

Au terme de ce survol de l’histoire de l’aire baltique, nous pouvons maintenant revenir sur chacun des destins nationaux des principaux peuples et États de la région.

Des grandes puissances régionales sous influence

Les grandes nations qui ont participé de près à l’histoire de la zone baltique en sont restées marquées à jamais.

La Russie

La présence russe dans la région baltique est fort ancienne. Depuis le 13e siècle, des communautés slaves sont installées dans l’Est de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie. Dorpat (aujourd’hui connue sous le nom de Tartu), la capitale universitaire de l’Estonie fut fondée au haut moyen âge en tant qu’agglomération commerçante russe sous le nom de Youriev. Au 17e siècle d’importantes communautés d’orthodoxes schismatiques russes, les Vieux Croyants, fuyant les persécutions du patriarcat de Moscou, vinrent s’établir sur les marges de l’Empire de l’Estonie au delta du Danube. Depuis cette époque, leurs paroisses y ont prospéré et y forment aujourd’hui des groupes importants et dynamiques.

Ces régions fertiles, aux côtes libres de glace en hiver et en lien étroit avec l’Occident, abritèrent très tôt des populations germano - baltes cultivées et actives (13e siècle). Des siècles plus tard, lorsque le tsar Pierre le Grand rêvait pour son empire d’une fenêtre sur l’Occident, c’est non seulement à la situation géographique que pensait le tsar russe mais aussi sans doute à cette population occidentale et industrieuse qui masquait alors totalement aux yeux des étrangers les populations autochtones pauvres et arriérées.

Des Allemands au service de la Russie.

Lorsque au terme de la Guerre du Nord, la région devint russe (1720), les nobles et bourgeois allemands, Junkers ruraux et titulaires de charges et offices urbains, choisirent la voie du réalisme et, connaissant les besoins russes en administrateurs qualifiés, offrirent leurs services aux nouveaux maîtres. Ces derniers eurent la sagesse d’accepter et les Allemands d‘Estonie, de Courlande et de Livonie, sans oublier ceux des îles d’Ösel (Saaremaa) et de Dagö (Hiumaa) devinrent en quelque sorte les « fondés de pouvoir » de l’administration russe dans les nouvelles Provinces baltiques.

Au fil du temps, ces Allemands (ou, dans certains cas des Suédois, des Anglais ou des Français germanisés) aventureux, attirés par le pouvoir et la réussite en vinrent à occuper des positions stratégiques (armée 5 , finances, industrie, chemin de fer...) au sein de l’Empire, parfois bien loin de leur région d’origine, mais le plus souvent dans la capitale Saint-Pétersbourg, en conservant, pour ce qui est des nobles, leurs attaches terriennes baltes. Ils furent progressivement rejoints par d’autres immigrants provenant d’Allemagne et d’autres régions d’Europe centrale possédant des populations germanophones.

Ces immigrés volontaires, souvent techniciens de talent, contribuèrent ainsi à construire un véritable État au sens moderne du terme (le fameux « État policé » dont rêvait Catherine II) et ce faisant, à forger l’identité étatique russe. Ils furent à l’origine d’une bonne partie des succès de l’Empire jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Ainsi, des Allemands russifiés aidèrent les autorités impériales à démanteler la Pologne-Lituanie en 1793-1795 en occupant à cette occasion de nombreux emplois militaires ou civils. Parmi les noms marquants de cette époque, on peut mentionner le Baron Ingerström, le général von Weimarn, le baron Steckelberg, le général von Derfelden, le comte Sivers et de nombreux autres 6 . Au 19e siècle, on relèvera les noms de Witte, Barclay de Tolly, Totleben, Ostermann, Nesselrode...

Des Baltes en URSS

Dès la fin du 19e siècle, les provinces baltiques de Livonie, Estonie et Courlande, dotées de populations éduquées et situées au contact de l’Occident, entament un processus d’industrialisation rapide. Au tournant du 20e siècle, Riga est l’une des toutes premières villes industrielles de l’empire, produisant un grand nombre de biens, des imperméables aux locomotives.

Cette industrialisation donne naissance à un prolétariat qui logiquement, dans le contexte de l’époque, se tourne vers le socialisme. Les importantes populations juives de Courlande, de Latgale et de Livonie sont au premier rang de la lutte. La révolution de 1905 fut particulièrement ressentie dans les provinces baltiques et la répression, terrible, engendrant de durables rancoeurs.

En 1917, au terme de trois affreuses années de guerre, la révolte gronde au sein des prolétariats baltiques. Nombreux dans ces conditions seront les partisans locaux de la « grande lueur à l’Est ».

Les troupes territoriales des provinces estoniennes et lettones (les tirailleurs) sont elles-mêmes fort touchées par le communisme et les « tirailleurs lettons » qui, en 1915 s’étaient illustrés dans la défense de Riga, se scindent alors en deux groupes de tailles inégales, également nationalistes d’ailleurs, les blancs et les rouges (majoritaires).

Ce sont ces « tirailleurs rouges » qui donneront ses meilleures troupes à l’ « armée des ouvriers et des paysans » de Trotzky (et aussi d’ailleurs certains de ses plus grands chefs comme le colonel J. Vacietis 7 ) et formeront à ce titre la garde rapprochée de Lénine. On a pu soutenir que c’est grâce à l’appui de ces troupes, que les Bolcheviks avaient pu l’emporter en 1918.

La Prusse et les Allemands

Deux histoires bien différentes illustrent le rôle de la Baltique orientale dans l’histoire allemande.

Borusses et Prussiens

Arrivés au 13e siècle, au nord des terres polonaises, dans la région de la Basse-Vistule (Kulm), les chevaliers allemands installent ensuite leur siège dans la forteresse mazurienne de Marienburg (Malbork) en 1309. À partir de cette place forte inexpugnable, ils occupent dans un premier temps militairement une région traditionnellement peuplée de Baltes, proches parents des Lituaniens, connus sous le non de Borusses, Prutènes ou encore Prussiens.

Par un processus de substitution (certains diraient de détournement) d’identité, après avoir progressivement décimé ou assimilé les autochtones, 8 les envahisseurs-convertisseurs-colonisateurs s’emparèrent de leur nom (celui aussi de la région, il est vrai !) pour s’identifier désormais aux yeux du monde comme Prussiens. C’est de cette plate-forme prussienne qui, en se territorialisant, devint progressivement un véritable État 9 , que les chevaliers partiront désormais pour poursuivre la colonisation des terres baltes et estoniennes du Nord 10 .

La puissante ville portuaire de Königsberg (fondée en 1255), future patrie d’Emmanuel Kant, devient bientôt le phare oriental de la germanité. Là sur ces confins « sauvages » (Wildnis), au contact des Baltes et des Slaves, se forgera une identité allemande baltique fière, vigoureuse et conquérante, proche parente de celle des Germano-Baltes. En 1525, après la réforme luthérienne, un duché séculier de Prusse voit le jour ; il durera jusqu’en 1618, date à laquelle il sera réuni avec la Marche de Brandebourg tout en conservant pour l’ensemble ainsi formé le nom de Prusse.

Le royaume de Prusse (le pays devient un royaume en 1700) va se développant jusqu’à établir sa capitale à Berlin et à acquérir une grande visibilité à l’époque de Charles-Frédéric I° et de son fils Frédéric II, dit le Grand (1712-1786). La Prusse croît en puissance et en culture. Aux yeux du monde, sous Guillaume I°, Prussien tend à devenir synonyme d’Allemand 11 .

Plus tard, après la défaite française lors de la guerre de 1870, c’est ce même royaume de Prusse, véritable Piémont de l’Allemagne, qui deviendra le creuset de l’unité nationale en parvenant grâce à Otto von Bismark à réunir en un seul Reich les multiples entités politiques allemandes. Il mit ainsi fin à des siècles de morcellement étatique - entré dans l’histoire sous le nom de Kleinstaaterei.

À la fin de la Première Guerre mondiale, certains Germano-baltes, Prussiens et autres Allemands ayant combattu dans la région, réunis au sein de ce que l’on nommait alors les Corps Francs de la Baltique (Baltikum) influencèrent de façon décisive la politique allemande en enterrant par la force la révolution bolchevique de Kurt Eisner. Les mêmes hommes présidèrent ensuite - bien contre leur gré, eux qui ne rêvaient que d’aventures - à l’installation de la « République bourgeoise » de Weimar.

C’est par ailleurs notamment de l’esprit des chevaliers teutoniques et des reîtres de l’aventure du Baltikum que se réclamèrent Ludendorff et Hindenburg lors de la tentative de putsch de Munich en 1923. Hitler devait par la suite se prévaloir du même héritage 12 .

Dans ces conditions, il n’est pas exagéré de soutenir que l’Allemagne moderne est le produit indirect du Drang nach Osten du haut Moyen-âge.

Les Germano - Baltes

Au cours de six siècles de présence dans la région baltique, les Allemands ont engendré une civilisation germanique originale qui - outre les « émigrés » dont on a vu le rôle éminent en Russie - produisirent un nombre considérable de personnalités remarquables dans tous les domaines. Mentionnons parmi tant d’autres, l’historien de la Russie Carl Schirren, le romancier Eduard Graf Keyserling, l’amiral-explorateur Krusenstern ou l’homme d’état Baron Hamilcar von Fölkersahm.

Durant la brève période d’indépendance des peuples baltiques durant l’entre-deux guerres, quoique déjà moins nombreuses, ces communautés ne manquèrent pas de personnalités éminentes. Parmi celles-ci il faut mentionner l’essayiste et politique Paul Schiemann dont les travaux et les réalisations en matière d’autonomie culturelle et de protection des minorités servent aujourd’hui encore de référence pour le monde 13 et son collègue Werner Hasselblatt. On peut aussi mentionner le philosophe Hermann Graf Keyserling, ou le compositeur Alexander Maria Schnabel.

Plus tard, après la consolidation de l’Union Soviétique et le « rapatriement » Heim ins Reich en 1939 de quelque 100 000 Baltendeutsche 14 en Allemagne par Hitler, nombre d’entre eux reprirent du service au sein de la nouvelle société allemande. Passons rapidement sur le rôle peu glorieux du germano-estonien Alfred Rosenberg 15 au sein du Troisième Reich pour nous concentrer sur la position des Baltes au sein de la RFA.

Après un « atterrissage » quelque peu plus difficile que prévu au sein du vieux Reich devenu République dont ils s’étaient souvent fait une image embellie, les Balten, ainsi qu’ils s’identifient couramment eux-mêmes à l’époque, se regroupent 16 et partent discrètement à l’assaut du pouvoir. Volontaires, entreprenants, polyglottes et non dénués d’un certain élitisme, ils occupent rapidement des positions clés (diplomatie, professions libérales...), au sein de la société du nouvel État allemand. Un bon exemple de ce type de réussite est fourni par Arved von Nottbeck (1903-1981) qui devint Ministre de la justice du Land de Basse-Saxe.

Bien sûr, le passage du temps a quelque peu atténué leur particularisme, mais ils demeurent généralement conscients de leurs spécificités et attachés à leur identité et à leurs « valeurs ». On estime ainsi que leur rôle fut déterminant dans le succès de l’Ost-Politik du Ministre des Affaires Étrangères Karl Schröder ainsi qu’ensuite dans la conduite de la politique de Bonn vis à vis des États baltiques restaurés.

Les Polonais

Pour les Polonais du Royaume, les Kresy wschodnie (confins orientaux) ont toujours représenté depuis la fin de la Rzezpospolita, (République nobiliaire polono-lituanienne) en 1795, un ailleurs mythique où l’identité polonaise aurait autrefois, dans un passé mythifié, connu une sorte d’âge d’or. Sans être historiquement tout à fait exacte, cette croyance n’est, on l’a vu, pas dépourvue de fondements.

C’est qu’après l’avènement de la souveraineté russe, la domination culturelle polonaise de la région, loin de s’estomper, se renforce. Des nobles polonais ou plus souvent polonisés, extrêmement nombreux, possèdent ou acquièrent des domaines ruraux dans les riches terres de Lituanie, Podolie, Polésie ou Volhynie. Installés sur ces « terres de mission », ils se sentent investis d’un rôle sacré : porter la religion catholique romaine et la langue polonaise, symboles à leurs yeux de civilisation, aussi loin à l’Est et au Sud que possible.

Dans toute la zone sud de l’aire linguistique lituanienne, dans la plus grande partie de l’aire biélorussophone et dans une partie de l’Ukraine et même de la Russie occidentale, les propriétés rurales nobiliaires, les dvors 17 spontanément constituées en réseaux, représentent bientôt autant de places-fortes de la « polonité ». Une culture polonaise des confins, rurale mais raffinée, deviendra alors la marque la plus visible de la région. Les héritiers de ces familles rurales de la Szlachta (petite noblesse) assumeront ainsi le rôle de messagers d’une certaine idée de la « grande Pologne ».

Dans cet univers au peuplement beaucoup moins dense que celui du Royaume, dans un climat de liberté, de solidarité (entre nobles polonais) et dans une certaine mesure d’aventure, naîtra une nouvelle culture polonaise plus dynamique, plus confiante en elle-même et, à nombre d’égards, plus créative que celle du vieux Royaume. Les Kresys seront comme l’Amérique de la Pologne royale, une autre patrie plus grande, plus ouverte et où, loin des contraintes anciennes, tout enfin est possible. Le Polonais des confins, « homme nouveau » de la polonité, incarnera désormais pour beaucoup espoir et rêve.

Aux 19e et 20e siècles, un grand nombre de personnalités polonaises éminentes seront de fait originaires de cette région. Au nombre de ceux-ci, citons les écrivains Joachim Lelewel, Oskar et Czeszlaw Milosz, Thadeusz Konwicki, Adam Mickiewicz, les artistes Stanislaw Moniuszko, le politique Jozef Pilsudski, Président de la première république polonaise restaurée, le général Lucjan Zeligowski et tant d’autres. Chacun à sa façon illustre cette culture des marches, composante essentielle de l’identité polonaise, au moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd’hui, soixante ans après la naissance de la République populaire (redevenue « République » en 1991), le rêve de reconstitution d’une grande-Pologne a beaucoup perdu de ses couleurs et hormis pour une étroite frange de l’extrême droite, le statut quo territorial et politique dans la région est accepté par tous. En revanche, la conscience de la rémanence d’un espace de civilisation particulier, héritage de la Respublica illustrée par un intellectuel d’origine polono-lituanienne comme Jerzy Giedroycz (1906-2000), fondateur et responsable la prestigieuse revue Kultura, constitue, elle, une réalité bien vivante. Cette conscience diffuse constitue aujourd’hui encore une part significative du bagage identitaire des Polonais.

Le creuset baltique

Ayant examiné l’impact sur les grandes nations voisines de leur histoire balte, penchons nous maintenant sur le sort de trois peuples autochtones (baltiques) ou diasporique (Juifs) et de leurs hôtes russes.

Estoniens et Lettons

Durant six siècles, les Estoniens et les Lettons ont vécu sous la domination allemande. Même si les provinces en question ont aussi été longtemps sous autorité danoise, suédoise et russe, c’est en fait pour l’essentiel une influence allemande que ressentirent pendant tous ces siècles les populations autochtones. Quel que fût le régime, les Germano-baltes sont en effet parvenus, grâce à leur talent et à leurs institutions, à conserver le monopole du savoir, de la richesse et de l’autorité. Certes, ils ont bien souvent eux-mêmes été contraints de courber l’échine face aux représentants d’un pouvoir étranger, mais, vis-à-vis de leurs « administrés », ils sont toujours demeurés les maîtres incontestés.

Au début (à partir du 13e siècle), la conquête fut brutale et les paysans libres furent progressivement transformés en serfs, un statut que auparavant n’existait pas dans la région. Puis des cités se développèrent, notamment les ports et les villes de foire au temps de la Hanse, à partir du 13e siècle (Riga, Libau, Mittau, Pernau, Reval, Dorpat ...). Un dense réseau de Hakelwerke 18 quadrille toutes ces agglomérations. Guildes, maîtrises et corporations sont allemandes comme sont allemands couvents et évêchés. Dans cet univers, ne pas être allemand, c’est pratiquement n’être rien.

L’église luthérienne a joué depuis le 16e siècle un rôle essentiel dans l’acculturation des autochtones. Pour s’élever, il faut se germaniser, penser allemand, vivre en Allemand et, pour faire oublier d’où l’on vient, le plus souvent changer de nom. Les élus, au demeurant, ne sont pas légions.

Aux 18e et 19e siècles, les nombreux visiteurs étrangers qui parcourent la région ne perçoivent même généralement plus que ces provinces demeurent à plus de 90% de population non-allemande. Le processus de « dissolution » des identités locales paraît en bonne voie. Les renaissances nationales qui commencent dans la seconde moitié du siècle sont elles-mêmes précédées de nombreuses études « baltes » réalisées par des « baltophiles » allemands disciples de Herder (lui même un temps pasteur à Riga). On peut par exemple citer la Gelehrte Estnische Gesellschaft 19 de Reval (Tallinn) ou les travaux de Eisen von Schwarzenberg, Johann Rosenplänter, de Garlieb Merkel ou encore des Stender, père et fils.

La conséquence de cette situation peut être lue de diverses façons. Longtemps, les auteurs nationalistes baltes ont écrit que ces siècles de présence étrangère avaient été une perte sèche pour leurs peuples et que colonisation rimait pour eux avec aliénation, temps perdu et sous-développement. Aujourd’hui, on tend à relativiser les choses et à reconnaître que si les peuples baltiques septentrionaux sont si « occidentaux », c’est peut-être aussi à une longue imprégnation religieuse et culturelle allemande qu’ils le doivent.

Lorsque, à partir de la seconde moitié du 19e siècle, les mouvements d’éveil baltes réalisent leur montée en puissance, ils empruntent tout naturellement les pratiques allemandes. Les « éveilleurs » estoniens et lettons, appartenant à la fameuse Oberschicht, sont eux-mêmes fort germanisés. Il leur est bien difficile dans un contexte aussi prégnant de marquer leur différence et de se distinguer des quelques Allemands pro-baltes.

Cette attitude sérieuse, dure au travail et méthodique qu’on s’accorde à reconnaître aux Estoniens et aux Lettons, a sans doute une origine allemande d’autant plus que les Lituaniens, frères des Lettons par la culture, ont d’autres qualités. Un sens du commerce, le respect de la règle contractuelle, ont souvent aussi été-comme chez les Scandinaves- considérés comme un héritage luthérien.

Un héritage soviétique de poids

La « libération » de 1991 n’a pas marqué pour les Baltes la fin de leur histoire soviétique. En effet, en 1945, lorsque les Soviétiques reprennent le contrôle de la région, les Allemands qui au 19e siècle avaient joué le rôle de « tampon » entre autochtones et Russes sont partis. Désormais le contact est direct entre les deux groupes. Il laissera des traces importantes et vraisemblablement indélébiles dont nous citerons deux exemples.

La première est l’influence de ces cinquante années de communisme sur le tempérament des autochtones. En opposition directe avec la tradition allemande, les Baltes ont dans une certaine mesure fait leur l’adage ironique en vertu duquel « ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler ». Sans doute les ravages de ce laisser-aller caractéristique des sociétés communistes finissantes, est-il moins sensible dans la région qu’en Russie, il n’en est pas moins souvent présent.

Le second héritage est une importante population de Russes (ou de russophones) laissés dans la région après le repli de la « vague rouge ». Voyons qui sont aujourd’hui ces nouveaux Russes-baltes.

Les nouveaux Russes baltes

Nous évoquerons ici seulement la situation en Lettonie, mais celle-ci n’est pas très différente de celle de l’Estonie voisine. Riga, la capitale du pays est aujourd’hui habitée par une majorité de russophones (37 % seulement sont des Lettons de souche, contre 75 % avant la seconde guerre mondiale). Cette population connaît encore souvent mal la langue locale et vit à Riga (à vrai dire surtout dans les faubourgs) et dans les autres grandes villes du pays, depuis des décennies sans véritable enracinement au sein de la société lettone.

Éclatée en une multitude de réseaux, professionnels et régionaux, la communauté russophone d’origine soviétique 20 ne jouit pas d’une force et d’une visibilité en rapport avec sa taille. Dépourvue de personnalité marquante et charismatique jouant le rôle de catalyseur, elle demeure globalement passive, et encore trop souvent inquiète et frustrée. Dans cette situation d’inconfort, elle a facilement tendance à chercher des boucs émissaires et à stigmatiser tout ce qui peut la séparer des Lettons. La presse russophone et certaines organisations communautaires jouent à cet égard un rôle néfaste.

Et cependant, en dépit de leurs récriminations, ces " Russes baltes " diffèrent sensiblement de leurs compatriotes de la « mère patrie » tant ils ont emprunté -au contact des autochtones- de caractéristiques de ceux-ci et notamment un certain sens de l’ordre, de la discrétion, de la discipline et de l’efficacité (que d’aucuns attribuent à l’héritage allemand du pays). Dans de nombreux cas, même s’ils ne l’avouent pas facilement, les Russes des pays baltiques et en particulier de Lettonie se sentent plus proches des autochtones que de leurs compatriotes de Russie 21 . Ceci est particulièrement manifeste lors des voyages en Russie 22 au cours desquels ils se ressentent davantage à l’étranger au sein de cette patrie théorique que dans leur environnement baltique. Ils trouvent cet immense pays chaotique et niekulturni (mal élevé) et souffrent de la jalousie que les Russes de Russie manifestent au sujet de leurs meilleures conditions de vie. En fait, en dépit des différences culturelles et des traces de l’"occupation" soviétique, Lettons et Russes vivent plutôt en bonne harmonie et l’on n’observe guère de problèmes dans la vie quotidienne.

Comme il a existé dans le passé une population germano-balte, il commence donc aujourd’hui à apparaître clairement une société russo-balte. Celle-ci s’occidentalise rapidement, réussit économiquement souvent très bien et est de plus en plus à l’aise dans son environnement d’adoption. Gageons qu’elle jouera à terme un rôle important dans l’inévitable et souhaitable rapprochement de la Russie avec l’Occident.

Les Ingriens, une minorité finnoise décimée.

Les Ingriens ou habitants de l’Ingrie (Ingermanland) sont une population de langue finno-ougrienne, proche des Finnois et des Estoniens. À l’origine, ils occupaient, au fond du golfe de Finlande, une vaste aire comprise entre le lac Peïpous et le lac Ladoga où ils étaient voisins des Caréliens, autre groupe apparenté aux Finnois. L’occupation de leur territoire ethnique par le duché de Novgorod et leur conversion à l’orthodoxie au 12e siècle marquent le début de leur déclin.

Après la conquête de Novgorod par les Russes en 1478, l’Ingrie fut en effet incorporée à la Moscovie et ravagée par les déportations et repopulations successives par des Slaves. Soumise au 17e siècle à l’occupation suédoise, la région fut à nouveau repeuplée par des colons venant cette fois de Finlande (luthérienne), à l’époque sous souveraineté suédoise. Les clivages orthodoxes-luthériens, c’est-à-dire entre anciens et nouveaux Ingriens, se maintiendront trois siècles sur la toile de fond d’un effacement progressif des différences linguistiques.

Mais c’est la guerre du Nord, aboutissant à la réintégration de la province à la Russie, qui marque la véritable rupture dans l’histoire ingrienne. Saint-Pétersbourg, nouvelle capitale de l’empire fut en effet bâtie au centre des territoires traditionnels des Ingriens, la région s’appelant désormais gouvernorat de Saint-Pétersbourg. L’immigration slave se poursuivit, culminant au 20e siècle, tandis que les autochtones résistaient efficacement en zone rurale. Avant la Première Guerre Mondiale, on dénombrait encore 200 000 Ingriens dans la région située à l’Est de l’Estonie ; ils n’étaient déjà plus que 176 000 en 1926. Après les décennies d’URSS, il n’en restait plus que 16 800 en 1989 23 .

Les Lituaniens

De même qu’Estoniens et Lettons ont, bien contre leur gré, été germanisés, on peut soutenir sans forcer le trait que, au terme de quatre siècles d’acculturation, les Lituaniens ont eux été « polonisés ».

Tôt attirés par les avantages dont bénéficiaient leurs homologues du royaume de la Vistule, les nobles du GDL ont continuellement, depuis l’Union de Kreva (1385), poussé la chancellerie grand-ducale à un rapprochement avec la szlachta et les magnats polonais. Ils imitèrent ceux-ci en tout pour justifier leurs prétentions, allant pour ce faire jusqu’à délaisser leur vieille langue balte.

La conversion du GDL à la religion catholique d’Occident (largement par défiance envers le Kremlin et l’orthodoxie qui lui était liée) en 1385, ne fit naturellement qu’accentuer ce phénomène.

Jusqu’au 19e siècle, l’université de Vilna (fondée en 1579) ainsi que les milliers de « dvors » qui, depuis le 16e siècle, parsemaient le territoire grand-ducal seront autant de foyers de polonisation. Les autochtones voient leur culture et leur langue marginalisés à un point tel que le Grand Larousse du XIXe, se fondant sur des sources polonaises, prédit péremptoirement la disparition imminente de la vieille langue balte.

En Lituanie « ethnique » 24 , au 19e siècle, les villes sont polonaises et juives avec une fine strate supérieure administrative russe. Les élites sont polonaises ou polonisées, de même que l’ensemble de la presse. Difficile dans ces conditions pour les Lituaniens de lancer un mouvement de renaissance nationale efficace et ce d’autant plus que si Saint-Pétersbourg soutient parfois les Lettons et les Estoniens contre les Russes, il fait rarement de même en ce qui concerne les Lituaniens catholiques vis-à-vis des Polonais.

La renaissance nationale interviendra néanmoins (tardivement) à partir de la campagne (la Suwalkija, l’une des cinq provinces de la Lituanie historique, en ce qui concerne le « père de la patrie » Jonas Basanavicius) ou de Prusse-orientale (Tilsitt, Königsberg).

En 1905 encore, lors de la Grande Seimas de Vilnius 25 , les jeux ne sont pas faits entre les tenants d’un nationalisme ethnique (moderne) et les partisans de la renaissance d’une Respublica multiculturelle à la mode d’avant 1795.

La révolution de 1905, la guerre et la révolution de février 1917 trancheront définitivement en faveur des « modernes ». Désormais les adeptes de la renaissance de la Rzezspospolita ne se rencontreront plus guère qu’en Pologne.

De ces siècles d’intimité mi-forcée mi-voulue entre le Royaume et le Grand duché sont nées des caractéristiques communes aux ressortissants deux peuples : au nombre de celles-ci, un tempérament entier et passionné, un certain fatalisme (slave ?), un patriotisme ombrageux et un catholicisme fervent et résilient. L’actuelle réconciliation polono-lituanienne est d’autant plus sincère et forte que les deux peuples, longtemps divisés par la question de Vilnius-Wilno, se comprennent parfaitement parce qu’ils se connaissent « de l’intérieur ».

Les Juifs

C’est dès le 13e siècle que les premiers immigrants juifs, accueillis à bras ouverts par les autorités grand-ducales en raison de leurs savoirs réputés rares (administrateurs, aubergistes, comptables ...), s’installent nombreux en Lituanie. Ils viennent du Sud (Sépharades) mais plus encore de l’Ouest, Allemagne, France ... (ce sont alors des Ashkénases) régions où les persécutions se font plus systématiques. S’installant dans des zones peu peuplées et de surcroît souvent encore de religion païenne (pour ce qui est des terres ethniquement lituaniennes) ces colons, bénéficiant de larges franchises et de la protection du souverain, sont prompts à s’organiser. Délivrés du carcan de l’environnement religieux catholique, les nouveaux « Juifs baltes » peuvent donner libre cours à leur créativité et secréter des institutions réellement originales et correspondant à leurs besoins.

Ils créent ainsi spontanément des structures communautaires plus ou moins inspirées de celles de leur pays d’origine. Les communautés de base (Kehillot) sont bientôt fédérées au plan régional en de grandes assemblées connues sous le nom de Vaads (Conseils). Il y aura ainsi un Vaad polono-lituanien (1596) puis un Vaad lituanien (1623) et même un Vaad russe qui connaîtront une existence de plusieurs siècles. Les communautés juives sont parfois urbaines (Brest, Brinsk, Grodno, Vilnius, Vitebsk...), mais plus souvent encore rurales (Shteteleh).

La culture juive, jusqu’alors purement religieuse et cultuelle, effectue dans ce contexte une mutation vers une identité politique voire étatique qu’elle n’avait plus connue depuis la destruction du Temple de Jérusalem. Les structures communautaires juives de l’aire « litvake », créées dans un climat d’exceptionnelle liberté, secrètent, en raison de leur fonction de gestion et de régulation de la vie juive (certains ont parlé d’un État dans l’État), une nouvelle manière d’être et de se ressentir moins aliénée que dans les pays chrétiens de vieille implantation juive. Elles donneront naissance à la culture originale faite d’indépendance d’esprit, de sens de l’autonomie et de tension vers la rigueur, la qualité et la réussite.

Dans l’ensemble, en dépit de certains épisodes tragiques, jusqu’à l’annexion de la région par la Russie (1772, 1793, 1795), le « contrat » entre le GDL et les Juifs sera respecté et la croissance de la population juive atteste de cette relative tranquillité de son importance dans la région.

Cette population, devenue fort nombreuse (plusieurs millions d’âmes) et demeurée très religieuse, donnera naissance à une forme particulière de judaïsme ashkénase connu sous le nom de judaïsme litvak.

Celui-ci se caractérise par un vif goût de l’étude, un sens de la tolérance, un esprit critique facilement teinté d’humour qui restèrent durablement la marque de l’esprit religieux litvak.

Aux 18e et 19e siècles, la région connaîtra deux formes originales de judaïsme. L’une (au nord) rationaliste, austère et axée sur l’étude dont le maître fut Elia ben Salomon Zalman (1720-1797) dit le Gaon de Vilna, suivi par son disciple Haïm de Volozhin (1749-1821) l’autre (au sud) piétiste et festif : le Hassidisme, créé par Israël ben Eliezer Baal Shem Tov (1700-1760) dit le Besht.

Entre tenants des deux credo, Mitnagdim et Hassidim, la violente controverse ouverte à la fin du 18e siècle n’est toujours pas complètement apaisée et les deux courants continuent de nos jours à représenter les deux principaux phares du judaïsme mondial.

Après avoir ainsi renouvelé la religion, les penseurs Litvaks furent dans la période post - Haskala (les lumières juives), les hérauts d’une nouvelle forme de pensée laïque particulièrement originale et innovante. Entre le milieu du 19e siècle et 1940, la région, comportant alors une très dense population juive, fut le théâtre d’une remarquable effervescence intellectuelle et culturelle juive. Cette importante judaïcité présentait alors, il faut s’en souvenir, la caractéristique d’être très alphabétisée et souvent polyglotte. Elle représentait de ce fait un milieu culturel propice à l’épanouissement de courants de pensée novateurs.

En matière politique, c’est là que naquit (Vilnius, 1896) le Bund, parti politique marxiste et nationaliste juif, qui devait particulièrement innover en matière d’autonomie culturelle personnelle extraterritoriale 26 . C’est aussi dans la région que le sionisme devait connaître son meilleur épanouissement et que le grand historien du judaïsme Simon Doubnov devait théoriser sous le non de Doigkeit (de do = là en yiddish) les modalités d’une existence diasporique juive. C’est dans la région également que prit naissance la forme radicale de sionisme dite « révisionniste » (Zeev Jabotinski) qui devait ultérieurement engendrer plusieurs des actuels partis de la droite radicale israélienne.

Les années trente et même la période de la guerre et de la Shoah furent celles d’une remarquable effervescence intellectuelle dans la région. La poésie et le roman connurent notamment des réussites extraordinaires avec le groupe Jung Vilne et notamment Haïm Grade, Leizer Wolf, Shmerké Kaczerginski, El’honen Vogler et bien-sur Avrom Suckever, qui fort âgé vit aujourd’hui en Israël. C’est de cette région que sont originaires des écrivains comme Mendele Mo’her Sforim Moïsche Kulbak ou Zalman Schneour.

Dans le domaine artistique, on peut citer, Mark Antokolski, Mark Chagall, Haïm (Jacques) Lifschitz, El Lissitsky, Haïm Soutine, Mihaïl Kikoïne, Lazar Segall et tant d’autres ...

Dans tous les domaines de la vie intellectuelle (notamment la médecine, la philosophie 27 et le droit) et artistique la tradition d’excellence de la Lituanie Juive a ainsi ouvert des voies qui sont aujourd’hui encore celles de l’innovation et de la modernité 28 .

Avant de clore ce chapitre consacré aux Juifs litvaks, il faut signaler le rôle éminent joué par nombre de ceux-ci dans la naissance 29 et dans la vie de l’État d’Israël 30 tant à l’origine de celui-ci que plus récemment et rappeler la place occupée aux Etats-Unis 31 et en Afrique du Sud par les communautés litvakes.

Nombreux sont les analystes politiques qui, au cours de ces quinze dernières années, se sont interrogés pour savoir si les Baltes étaient vraiment européens. Nous avons tenté de montrer ailleurs 32 que la question ne se posait pas véritablement et que, par leur histoire et par leur culture, les peuples Baltiques étaient en réalité au cœur même de la culture européenne.

Nous pensons avoir établi dans les pages ci-dessus que non contents d’être partie intégrante de l’Europe centrale, cette région fut en outre le creuset d’un certain nombre de processus ethniques qui ont forgé l’Europe moderne. On a pu constater ci-dessus que, c’est en se « frottant » les uns aux autres dans la région baltique au cours des siècles, parfois pacifiquement, parfois dans le sang, que les peuples en question ont forgé leur identité propre et, accessoirement, élaboré leur image de l’autre.

Cette même évocation à d’autre part mis en évidence le rôle singulier et inattendu qu’a joué la région baltique dans la création et le développement de certains des grands États modernes d’Europe médiane et orientale et parfois d’outre-mer. Ces rapides développements ne sont naturellement qu’une esquisse et il conviendrait d’approfondir chacun des thèmes abordés.

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  1. Plusieurs siècles plus tard, la Russie, Etat successeur de la Moscovie, deviendra d’ailleurs « propriétaire » de toutes les terres lituaniennes lors du troisième partage de la Pologne en 1795.

  2. Dans les Provinces baltiques, les autochtones son simplement qualifiés d’Undeutsche.

  3. 1720 pour les Provinces baltiques, 1795 pour la Lituanie.

  4. Y compris les très petits peuples : Ingriens, Lives...

  5. Ces Allemands étaient si nombreux au sein de l’armée que l’histoire a retenu l’exclamation du futur Alexandre III, alors prince héritier, à qui on présentait des officiers d’état-major lorsqu’il entendit le premier nom à consonance russe « enfin ! ».

  6. N.J. Komarov, Poslednie Gody Retchi Pospolitoi, St Pétersbourg, 1870.

  7. Nommé commandant en chef des armées soviétiques par Lénine le 6 septembre 1918.

  8. On considère qu‘en 1283, la Prusse était entièrement subjuguée.

  9. Certains n’hésiteront pas à voir dans les Prussiens les véritables inventeurs de l’État moderne.

  10. À part une brève implantation en Samogitie (Zemajtija) côtière, ils ne parviendront en revanche jamais à s’implanter durablement en Lituanie.

  11. Cf. la guerre franco-prussienne de 1870.

  12. Les SS ne se réclament-ils pas des chevaliers teutoniques...

  13. John Hiden, Paul Schiemann, defender of Minorities, 2005.

  14. Les Nazis préféraient ce terme plus « allemand » à celui - usuel jusque-là de Deutsch- Balten qui mettait l’accent sur le caractère balte de ces populations.

  15. En tant que Gauleiter de l’Ostland.

  16. Le centre des organisations germano - baltes est situé à Lünebourg en Basse-Saxe où a son siège la Carl-Schirren-Gesellschaft.

  17. Du terme slave signifiant cour puis, par extension, ferme, manoir.

  18. Groupements corporatifs de marchands et d’artisans.

  19. Société savante estonienne.

  20. Celle-ci se distingue clairement de celle formée par les descendants des Russes déjà présents avant 1940, tous citoyens et connaissant parfaitement le letton.

  21. En cas de conflit avec la Russie, 5 % seulement des non-citoyens prendraient le parti de celle-ci, 51 % demeureraient neutres et 24 % prendraient le parti de la Lettonie. Cf. Dorodnova, p. 34.

  22. D. Laitin, p 159 sq.

  23. Katus, p 7.

  24. Sensiblement le territoire de l’actuelle République de Lituanie.

  25. Il s’agissait précisément de choisir le but poursuivi par le mouvement. Les débats complexes et houleux virent finalement le triomphe des nationalistes « ethniques ».

  26. Henri Minczeles, Le Bund, Austral, Paris, 1995.

  27. Que l’on songe à Emmanuel Levinas, natif de Kaunas.

  28. Israel Lempertas, Litvakes, Vilnius, 2005.

  29. Golda Meier était litvak tout comme l’étaient les trois premiers présidents de l’État : Haïm Weizmann, Yitzhak Ben-Zvi et Zalman Shazar.

  30. Depuis les années 1970, un million de Juifs russes, parmi lesquels de nombreux Livaks ont fait leur alya (départ vers Israël), faisant de facto du russe la seconde langue vernaculaire de l’État juif.

  31. Notamment dans la vie publique et plus particulièrement de la presse.

  32. Yves Plasseraud, « L’apport culturel des peuples baltiques à l’Europe », in Antoine Marès (dir.) La culture et l’Europe, du rêve européen aux réalités, Institut d’études slaves, 2005.

Plasseraud Yves
Krulic Brigitte masculin
Wormser Gérard masculin
Ethnogenèses et création d'Etats : le cas de l'aire baltique
Plasseraud Yves
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2007-02-02
'Peuple' et 'Volk' : réalité de fait, postulat juridique

L'aire sud-baltique est connue pour être une région particulièrement multiethnique. Les peuples de la région et des pourtours de celle-ci ont effectué leur ethnogenèse et pour certains, construit leurs États au contact étroit et sous le regard et l'influence les uns des autres. Le présent article vise à dégager deux caractéristiques souvent méconnues découlant de ces processus. D'une part, comment « l'intimité involontaire » avec d'autres peuples très différents (souvent ressentis comme hostiles) a influencé les processus de création des personnalités nationales des peuples en cause. D'autre part le rôle singulier joué par la région baltique dans le façonnement de l'identité étatique de certaines des grandes nations contemporaines.

The South-Baltic zone has always been known for being a multi-ethnic one. The Peoples of the Area have realized their Nation-building Process and, for some of them, built their own state, in close contact and under the influence of neighboring Nations. The present Contribution aims at pointing-out two - often underestimated - Features of this Process. On the one hand to which extend the « involuntary intimacy » with other (not always friendly) Peoples has influenced the creation of the National Character of the Relevant Nations. On the other hand the special role played by the Baltic Area in the Framing of the State identity of some of the Leading contemporary Nations.

Histoire
Europe
Smith, Adam (1723-1790)
Religions
Identité
Guerre et conflit
Ethnogenèse, Multiethnique, Processus de création des personnalités nationales, Identité étatique et nationale