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Malentendus sur la démocratie participative

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Texte

Le deuxième débat télévisé pour l’investiture interne d’un candidat socialiste aux élections présidentielles de 2007 a fait surgir des divergences de fond quant à la compréhension de la démocratie participative et de ses instruments. Ces divergences sont révélatrices des ambivalences du Parti Socialiste à l’égard de ces procédures qui existent dans de nombreux pays et qui ont dû mal à s’implanter en France. Nous souhaitons analyser cette querelle et la mettre en perspective par rapport aux enjeux des présidentielles de 2007.

Certes, le débat s’annonçait plus tendu en raison d’une volonté de démarcation des candidats les uns par rapport aux autres. Cette stratégie a amplifié et radicalisé les positions des candidats sur plusieurs sujets parmi lesquels la démocratie participative dont on n’aurait pu supposer qu’elle ne serait pas l’une des fractures idéologiques entre les candidats. En réalité, Ségolène Royal a monopolisé cette question en se faisant la candidate de la démocratie participative 1 . Cette personnification a alors poussé les deux autres prétendants à attaquer cette dimension pour lui opposer une vision classique de la démocratie représentative. Comment faut-il déchiffrer le clivage entre les candidats sur ce thème précis ?

Une démocratie participative incongrue

Il convient tout d’abord de distinguer la démocratie participative des deux autres modes de démocratie, à savoir la démocratie représentative et directe. Comme l’affirme Dominique Bourg,

« Si l’on entend par démocratie l’institution et l’organisation de l’influence que les citoyens exercent sur la prise de décision publique, il convient alors de distinguer les trois modalités suivantes d’exercice du pouvoir démocratique : les démocraties élective, participative et directe. La démocratie élective permet aux citoyens de choisir ceux qui exerceront en leur nom le pouvoir de décision ; la démocratie participative ne permet pas à tous de participer à la décision, mais permet à un nombre limité de citoyens d’éclairer en amont la décision des élus sur un sujet particulier, alors que le mandat qui leur a été confié et la responsabilité qui leur a été accordée sont généraux ; enfin, la démocratie directe permet au plus grand nombre de décider de façon ultime » 2 .

La démocratie participative vise une qualité de délibération au sujet d’une politique publique spécifique alors que la démocratie directe vise l’approbation du plus grand nombre. Cependant, dans la pratique, il existe des instruments de démocratie directe pouvant favoriser la délibération collective. Le référendum local et l’initiative populaire, en tant qu’instruments de démocratie directe, peuvent susciter ces débats centrés sur une politique publique particulière alors même que le référendum national porte sur des enjeux plus généraux. C’est pourquoi il est intéressant d’analyser la façon dont les candidats à l’investiture socialiste se sont référés aux instruments de participation, sachant que le projet socialiste proposait d’améliorer des éléments de démocratie participative et d’inclure des éléments de démocratie directe dans un cadre représentatif rénové.

Lors du premier débat télévisé du 17 octobre 2006, Ségolène Royal avait explicité sa méthode, celle de la démocratie participative, pour résoudre un certain nombre de problèmes posés aux Français. Le deuxième débat a permis une brève introspection dans le contenu de cette démocratie participative, à savoir l’idée de jurys citoyens tirés au sort en partie qui, associés aux élus 3 , pourraient délivrer un avis d’expert sur certaines questions, susceptible d’éclairer les décisions des élus et en même temps d’activer un intérêt pour les affaires publiques. Cette proposition a fait scandale aussi bien au sein de la droite qui lors des débats à l’Assemblée Nationale du 25 octobre a comparé les jurys citoyens aux tribunaux populaires des anciens pays communistes qu’au sein de la gauche où les réactions ont été quelque peu mitigées. Cette idée est propre à Ségolène Royal, puisqu’en dehors du Parti Socialiste, on ne retrouve cette position ni chez les Communistes, ni chez les Verts ni chez les Trotskystes, tous trois ayant également des propositions fortes en matière de rénovation de la démocratie française. Certes, la démocratie participative est une méthode de communication permettant à la candidate de se démarquer par rapport aux autres, ou plutôt de s’investir comme le souligne Stéphane Rozès dans la promotion de « valeurs balises ». En effet, pour ce dernier :

« Les "valeurs phares" sont celles du rassemblement de la nation et de la dimension spirituelle de la fonction présidentielle ; elles concernent la définition ultime du contrat passé avec le pays ; elles portent sur le souhaitable. […] Les "valeurs balises" sont celles qui définissent le vivre ensemble ici et maintenant, les guides de la vie quotidienne qui orientent les comportements individuels » 4 .

Ainsi, évoquer les instruments de participation nous plonge dans les valeurs balises tandis que la discussion plus générale sur les combinaisons de la participation et du cadre représentatif articule en profondeur les valeurs phares et les valeurs balises. La démocratie participative se décline en une palette d’instruments allant des conseils de quartier, des ateliers d’habitants lorsqu’elle est pratiquée à l’échelle de la commune aux jurys citoyens, aux débats publics 5 et aux conférences de consensus 6 lorsqu’elle traverse plusieurs échelons territoriaux. L’idée est d’associer, en-dehors des élections, les citoyens à l’élaboration de politiques publiques. De ce point de vue, l’idée même de référendum n’est pas forcément à ranger du côté des instruments de démocratie participative 7 , sauf lorsqu’il est assorti de l’initiative populaire. Le tableau 1 8 recense les instruments de démocratie participative ayant été expérimentés dans certains pays.

Tableau 1. Typologie des dispositifs participatifs locaux

On remarque un assemblage relativement hétéroclite et à l’état d’expérimentation 9 , d’où il est nécessaire de parler d’instruments 10 de démocratie participative plutôt que d’outils d’action publique pour insister sur leur dimension de perfectibilité. La démocratie participative, par rapport à aux démocraties directe et représentative, a un caractère beaucoup plus expérimental et plus malléable et donc plus flou d’une certaine manière. Elle a souvent été présentée comme la troisième voie nécessaire pour revivifier le lien civique, à côté d’une démocratie représentative jugée oligarchique et d’une démocratie directe jugée démagogique et inapte aux systèmes politiques modernes. Le fait que la démocratie participative se soit introduite dans les débats sur la présidentielle n’est pas totalement incongru, car en dehors des stratégies individuelles, elle est devenue une norme du discours politique. Les réactions de Laurent Fabius 11 et de Dominique Strauss-Kahn ont été vives, le premier réaffirmant le primat de la démocratie représentative et du rôle des élus, le second rappelant que les instruments de participation étaient déjà suffisamment variés pour ne pas y ajouter de confusion. En réalité, la conversion de Ségolène Royal aux thématiques participatives ne date pas de cette investiture ni de son siège de présidente de région Poitou-Charentes conquis en 2004. Ancienne ministre de l’écologie, elle s’est intéressée de près à ces thèmes. Lors des débats de l’assemblée nationale sur le projet de loi « Démocratie de proximité » du 27 février 2002 du gouvernement Jospin, elle avait défendu l’idée de jurys citoyens et s’était considérablement engagée dans ce débat 12 . Sa victoire aux régionales lui a permis d’expérimenter la démocratie participative 13 à l’échelon de l’école, avec cette idée de partage des décisions sur certains secteurs avec des élèves de l’école 14 . C’est bien la démocratie participative comme autogestion partielle et rigoureusement pilotée qui est défendue par la candidate. Cependant, toute démarche de participation n’est pas nécessairement recensée comme relevant de la démocratie participative : on pourrait ici pointer cette imprécision dans la préparation stratégique de Ségolène Royal. En effet, la mise en œuvre de « débats participatifs » 15 , aussi audacieuse cette démarche fût-elle, fait partie de la campagne et paraît difficilement être comptabilisée comme instrument de démocratie participative. Il est risqué de baser sa campagne sur cette démarche, sachant que l’institutionnalisation des procédures de démocratie participative peut contribuer à étouffer des mobilisations de la société civile. Là encore, le mélange des genres prête à confusion. Les divergences entre les trois candidats tiennent à une réalité : Fabius et Strauss-Kahn sont deux élus locaux 16 aux conceptions classiques de la politique pour qui le suffrage universel est le seul mode de légitimité. Lors de ce débat, Ségolène Royal a radicalisé sa conception en déployant sa vision de la démocratie participative. Le tirage au sort 17 , mécanisme par excellence de démocratie directe, a été remis sur la table, alors qu’il n’a pas été évoqué depuis des années dans ce type de débat. Comme l’écrit Jacques Rancière, pour les Athéniens :

« Le tirage au sort […] est la procédure démocratique par laquelle un peuple d’égaux décide de la distribution des places. Le scandale est là : un scandale pour les gens de bien qui ne peuvent admettre que leur naissance, leur ancienneté ou leur science ait à s’incliner devant la loi du sort » 18 .

Le tirage au sort est d’autant plus mal vécu qu’il remet en question l’expérience des élus et leur professionnalisation. Il ne faut pas exagérer l’importance de ce mécanisme, car il ne s’applique pas au cadre représentatif, mais aux jurys citoyens pouvant être institués dans des cas très concrets. Yves Sintomer et Eléonore Koehl 19 , dans leurs travaux sur les jurys citoyens berlinois, ont rapporté le fait que les jurys étaient créés dans certains quartiers pour piloter des projets de rénovation urbaine ou de création artistique. Dans le cas des jurys berlinois, 49% du jury est composé des forces vives locales (associations, experts) et 51% des membres sont tirés au sort parmi les habitants. Le tirage au sort n’est certainement pas à surdéterminer dans le cas des jurys, mais les répercussions que cette proposition a eues, sont révélatrices du climat politique français. Ségolène Royal a développé l’idée de jurys citoyens en mentionnant le fait qu’elle pourrait se faire sur des questions d’importance nationale telles que l’indice des prix. La représentation aléatoire comme manière de compléter la représentation élective a été vigoureusement défendue. Dans ce débat institutionnel, la querelle a porté sur les instruments hétéroclites de la participation, avec le fait que Ségolène Royal a basé sa stratégie de rupture et de rénovation sur la méthode participative.

Les instruments de démocratie directe évoqués ont été ceux de référendum d’initiative populaire et d’initiative émanant d’un million de citoyens provenant de trente départements différents, propositions relevant d’ailleurs du projet socialiste. Cette initiative populaire nationale pourrait aboutir à un référendum national et ressemble étrangement au système qu’avait imaginé Condorcet dans son projet de Constitution du 24 juin 1793. Condorcet voulait inventer un mécanisme d’invention différent du veto ou du référendum consultatif qui permettrait aux citoyens d’émettre des vœux et de les faire remonter à l’Assemblée Nationale 20 . En réalité, un système de filtres permet de garantir la conformité du vœu à l’intérêt général. Dans un ouvrage politique intitulé « Censure du peuple sur les actes de la représentation nationale, et du droit de pétition » rédigé en février 1793, il a expliqué les principes de cette pétition, qui lorsque 50 citoyens d’une même assemblée primaire la signent, est transmise à l’assemblée primaire de l’arrondissement de la commune qui délibère et décide ou non de la transmettre à l’assemblée primaire de la commune, puis celle du département (à chaque fois, un soutien de 50 signatures est exigé). Ce système rendait peu probable l’examen de propositions contraires à l’intérêt général et aurait eu pour effet de sélectionner celles qui trouvent un écho dans la population. Le droit de pétition et l’initiative populaire étaient conçus pour contourner la violence du droit d’insurrection. L’un des rares députés à avoir fait une proposition de loi sur l’initiative populaire et le référendum à tous les échelons, a été le député communiste André Gérin en 1999 21 . L’article 7 de cette proposition de loi prévoyait le tirage au sort d’un collège de onze citoyens d’une même commune chargé d’examiner avec le maire les initiatives pour un délai d’un mois et la façon dont on pourrait en tirer des questions référendaires. Ce collège pourrait être renouvelé tous les deux ans. Par ailleurs, cette proposition de loi généralisait l’initiative populaire à tous les échelons tout en détaillant les modalités de la recevabilité des questions référendaires. En fait, elle a pour mérite de réintroduire le tirage au sort qui est par excellence l’outil de démocratie directe. Des électeurs sont tirés au sort pour la présélection des questions posées au référendum (articles 12, 13), l’article 14 étalonnant le tirage au sort en fonction de la taille de la commune.

« Pour l’organisation des référendums d’initiative populaire communaux, 25% des électeurs seront tirés au sort pour les communes de moins de 1000 inscrits. Pour les communes dont le nombre d’inscrits se situe entre 1001 et 30 000, 300 personnes seront tirées au sort. Pour les communes dont le nombre d’inscrits dépasse le nombre de 30 000, 1% des personnes inscrites sera tiré au sort » 22 .

Il s’agit de tirer au sort un petit nombre d’électeurs capables de définir des questions relevant d’un intérêt collectif, afin de produire une haute qualité de délibération collective. Cette proposition combine à la fois des éléments de démocratie directe (tirage au sort) et de démocratie participative (association d’un petit nombre de citoyens pour examiner la procédure et création d’un électorat spécifique pour chaque référendum). L’idée du député est de définir clairement des procédures impartiales capables de traduire une demande extérieure au système politique et de redéfinir les rôles des institutions lorsqu’elles se trouvent confrontées à cette situation nouvelle. Ainsi, les maires examinent les signatures au niveau communal, les conseils généraux s’occupent des niveaux régionaux et interrégionaux et les conseils régionaux se concentrent sur les initiatives nationales. Dans cette proposition de loi, on insiste légèrement plus sur la genèse de la question que sur son résultat, même si des seuils d’approbation sont indiqués afin d’éviter les protestations minoritaires. Le projet socialiste remet sur la table la discussion autour d’un renforcement de la légitimité du gouvernement représentatif avec notamment l’introduction de procédés de démocratie directe et de démocratie participative.

La discussion autour des éléments de démocratie directe et de démocratie participative s’enracine dans une culture qui n’est pas étrangère à la gauche française qui avait promu l’idéologie autogestionnaire à la fin des années 1960. La distinction entre l’autogestion et la participation est fondamentale puisqu’elle porte sur la référence au système politique. Dans une pratique autogestionnaire, les individus revendiquent une autonomie totale et une indépendance par rapport à un quelconque pouvoir de décision alors que la participation renvoie à des mécanismes de cogestion. C’est en terme de pratique du pouvoir qu’il faut resituer cette controverse au sujet de la démocratie participative.

Les socialistes, la participation et l’autogestion

Les socialistes se sont fait les promoteurs de l’idée d’autogestion 23 après 1968 pour se démarquer de la droite qui revendiquait celle de participation 24 . On doit d’ailleurs à Michel Rocard cette confidence sur le sens du mot à cette époque : « plutôt que d’autogestion, les socialistes eussent parlé de « participation » eux aussi, si le général n’en avait été l’inventeur. L’image de la société que veulent les socialistes eût été plus claire » » 25 .

Dans l’idéologie gaulliste, une société de participation vise à dépasser les conflits idéologiques et politiques et à promouvoir l’intérêt de la nation. Dans son discours sur « La nouvelle société », Jacques Chaban-Delmas 26 avait insisté sur l’idée de participation des citoyens à la vie économique et sociale.

« Le nouveau levain de jeunesse, de création, d’invention qui secoue notre vieille société peut faire lever la pâte de formes nouvelles plus riches de démocratie et de participation, dans tous les organismes sociaux comme dans un État assoupli, décentralisé. Nous pouvons donc entreprendre de construire une nouvelle société » 27 .

Il ne s’agit pas de la promotion de la démocratie participative, notion qui a été définie à la fin des années 1980, mais de participation des citoyens à leur vie professionnelle et sociale avec en arrière-plan l’idée d’un État social décentralisé. En fait, ce discours reprend implicitement l’idée d’une réforme en profondeur de l’État que De Gaulle avait tenté d’instaurer lors du référendum du 27 avril 1969 28 . Après les événements de 1968, la gauche a abondamment développé l’idée d’autogestion dans le cadre de l’entreprise puis dans le cadre communal. Pierre Rosanvallon écrivait en 1976 que :

« Parler de l’autogestion c’est d’abord s’interroger sur la fortune d’un mot. Un mot nouveau : c’est il y a une quinzaine d’années seulement qu’il a fait son apparition dans notre langue ; encore ne s’est-il véritablement imposé qu’après 1968. Un mot au sens étymologique restreint : l’autogestion c’est la gestion par soi-même. Et pourtant « autogestion » est devenu l’un des mots clefs du vocabulaire de la gauche française » 29 .

Tous les partis politiques de gauche en ont fait leur credo à cette époque, car l’autogestion apparaissait comme une méthode innovante de régulation des rapports sociaux, que ce soit dans l’administration, l’entreprise, l’école et d’autres sphères sociales. Permettre aux travailleurs de s’organiser et aux communes de se gérer fut le mot d’ordre dans beaucoup de partis politiques dont le PSU 30 . Un questionnaire avait été donné aux militants socialistes participant au Congrès de Grenoble (22 au 24 juin 1973) qui portait sur les thèmes importants de l’époque dont celui de la construction d’un socialisme autogestionnaire. 55,9% des socialistes ont trouvé que la construction d’un socialisme autogestionnaire était très important : lorsque l’on procède aux détails des tendances, 41% des socialistes de la tendance Mitterrand en font une priorité contre 85,6% chez les militants de la mouvance CERES (Jean-Pierre Chevènement), 62,5% pour les militants du courant Bataille Socialiste (proche de l’ancienne SFIO) et 47,1% pour ceux de l’ERIS (tendance de Poperen). 13,4% des membres de la tendance Mitterrand estimaient même que le thème de l’autogestion était anecdotique (1,8% des membres du CERES, 12,5% de la Bataille Socialiste et 6,7% de l’ERIS) 31 . La question de l’autogestion devient intéressante lorsqu’on la rapporte à l’analyse sociologique des militants. En effet, elle trouve beaucoup d’échos chez les cadres supérieurs (65%) et les employés (72,4%). Pour les cadres supérieurs, il s’agit d’une étape idéologique à réaliser alors que pour les employés, l’autogestion est une possibilité d’évolution de l’entreprise. L’autogestion était vue comme un sujet moderne permettant aux militants d’être en phase avec les terrains de la contestation sociale. Les élections municipales de 1977 ont d’ailleurs permis à la gauche de développer le thème de l’autogestion et de faire apparaître la figure du maire autogestionnaire souhaitant innover dans des dispositifs de participation des habitants à la vie locale. Il ne s’agit pas d’identifier l’autogestion à la démocratie directe qui sont deux notions différentes. Selon Pierre Rosanvallon :

« la démocratie directe n’est pas un mode de gouvernement, une véritable forme de pouvoir, une pratique de gestion : naissant dans des situations historiques ou sociales particulières, elle ne dure pas. La démocratie directe ce n’est même pas véritablement une forme d’organisation, c’est d’abord la manifestation d’une aspiration profonde à bouleverser l’ordre des rapports sociaux et l’ordre du pouvoir. La démocratie directe manifeste une exigence plus qu’elle n’exprime une structure du pouvoir » 32 .

On retrouve de nos jours, avec le lexique de la démocratie participative, une méthode innovante qui séduit tous les partis politiques de gauche avec certaines nuances. Cette démarche permettrait d’associer un nombre limité de citoyens à la définition des politiques publiques, afin d’atténuer le caractère de professionnalisation de la politique. Ainsi, il est intéressant d’analyser l’espérance investie dans la thématique participative au prisme de celle qui l’était sur l’autogestion dans les années 1970. Les concepts ou les maître-mots 33 d’une époque peuvent être déchiffrés suivant la façon dont ils ouvraient un horizon : Koselleck a montré, dans sa vision de l’histoire, le rôle de ces futurs passés.

« [Les concepts] ne reposent que partiellement sur des données d’expérience et […] l’attente qu’ils placent dans le temps à venir est en proportion inverse de l’expérience qui leur manque. Il s’agit là de concepts temporels de compensation. La phase de transition entre le passé et le futur est chaque fois recomposée comme dans un kaléidoscope, par chaque concept qui se crée » 34 .

L’analyse des synthèses idéologiques permettrait de comprendre la façon dont ces espérances déçues se recyclent dans le discours politique.

Lorsque l’on se situe à la fin des années 1970, la promotion du socialisme autogestionnaire est incontestablement devenue un référent du répertoire socialiste 35 . Le tableau 2 36 fait état de ces mairies acquises par la gauche dans les années 1970 et instituant ces dispositifs.

Tableau 2. Bilan des expériences autogestionnaires en 1978

Il est à signaler l’influence des Groupes d’action municipale (GAM) dans la réflexion sur la démocratie locale avec l’animation des quartiers et la participation des habitants aux grandes décisions locales 37 . Dans ces expériences, on retrouve le thème de la transparence des décisions et la participation des habitants à la vie politique instituée ainsi que des dispositifs innovants permettant aux citoyens de collaborer à la politique budgétaire de la municipalité (budgets de quartier, référendum sur le barème des impôts locaux 38 ). La démocratie participative s’inscrit en France dans l’héritage de la participation démocratique et de l’autogestion 39 . Comme le souligne Pierre Rosanvallon 40 , le thème de l’autogestion s’est éclipsé du paysage politique français à la fin des années 1970. Il n’est pas étonnant que Ségolène Royal reprenne cet héritage et l’adapte à son parcours personnel 41 , en en faisant l’une des innovations en cas de victoire de la gauche. En effet, la démocratie participative est une étape dans la réflexion de la gauche dépassant la loi de « Démocratie de proximité » du 27 février 2002 qui a rendu obligatoires les conseils de quartier pour les villes de plus de 80 000 habitants. Dans la pratique, d’autres communes avaient déjà institué ce dispositif bien avant la loi. La commune d’Arcueil, dans le Val de Marne, a instauré ces conseils avec une enveloppe propre et un habitant-relais dans les années 1996. La plupart du temps, ces conseils restent très dépendants de la municipalité et visent à communiquer sur le travail municipal plutôt qu’à faire délibérer les habitants sur les politiques publiques qui les concernent.

Si ce thème permet à la candidate d’afficher des propositions nouvelles, c’est parce qu’il est fondamentalement lié à l’idée de rénovation des institutions et de pratique du pouvoir.

La démocratie participative et la question institutionnelle

Le recours aux consultations des militants et aux débats pour les primaires sont à mettre au compte de l’évolution des pratiques au sein du parti socialiste 42 . Il n’empêche que la question de rénovation des institutions est en filigrane au centre des débats, puisqu’il s’agit de savoir quelles sont les conceptions de la pratique du pouvoir des divers candidats à l’investiture. Dominique Strauss-Kahn milite clairement pour une présidence forte, avec l’idée d’un régime présidentiel ou le président n’est plus un monarque en recul par rapport à la vie politique mais au premier plan tandis que Laurent Fabius défend l’idée d’un régime plus parlementaire et d’une révision de la Constitution 43 qui devrait être approuvée par référendum en septembre 2007 44 . Toutes ses propositions proviennent du projet socialiste telles l’instauration d’une procédure permettant au Parlement de destituer le président en cas de faute incompatible avec l’exercice de son mandat, la suppression de l’article 49.3 et du vote bloqué, le mandat parlementaire unique. Il reprend l’idée de démocratie participative tout en précisant les instruments qu’il retiendrait.

« J’ouvrirai la possibilité de lois d’initiative citoyenne et permettrai la saisine directe du Conseil constitutionnel. Nous développerons la participation citoyenne partout où elle est possible et utile (budgets participatifs, conseils d’usagers des services publics, droit de pétition, assemblées de circonscription, comptes rendus de mandats...) » 45 .

Laurent Fabius réaffirme son hostilité à l’idée de jurys citoyens dans une réponse à un militant :

« Je suis pour une République parlementaire nouvelle. Je suis pour un citoyen acteur, pas pour un citoyen procureur. Ce qui exclut les « jurys de surveillance » des élus » 46 .

Ségolène Royal prône la revalorisation du Parlement et l’institution d’instruments de contrôle tels que le référendum d’initiative populaire et les jurys citoyens qui peuvent être mobilisés sur des questions précises. Chacun des candidats a choisi une focale sur le projet socialiste pour y apporter sa conception : Laurent Fabius privilégie l’instauration d’une République parlementaire, Dominique Strauss-Kahn la responsabilité du chef de l’Etat et Ségolène Royal la démocratie participative comme méthode. C’est dans l’annonce des priorités que les divergences sont importantes et non pas tant dans les écarts avec le projet socialiste.

Il est intéressant d’analyser, au-delà des stratégies de démarcation des candidats, ce que révèle cette fracture entre les trois candidats et la façon dont elle est perçue par les militants socialistes. Les élections primaires 47 brouillent les cartes à l’intérieur du parti, puisque les rénovateurs ne se reportent pas tous sur le même candidat. En effet, avant le Congrès de Dijon en novembre 2005, le Nouveau Parti Socialiste (NPS) créé par Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, avait fait sien le thème de la VIe République 48 , plus responsable et plus démocratique. La motion du NPS avait accentué l’idée d’un renouveau démocratique des institutions :

« il manque en France, à tous les niveaux, une véritable culture et une organisation de la responsabilité politique qui implique que les gouvernants et les élus rendent des comptes sur l’usage qu’ils ont fait ou font de la confiance qui leur a été accordée par leurs mandants » 49

Une partie du NPS avait soutenu la synthèse finale du Congrès alors qu’Arnaud Montebourg l’avait rejetée pour créer le courant Rénover Maintenant, jugeant cette synthèse trop timorée. À la fin de l’été 2006, Arnaud Montebourg 50 a annoncé son ralliement à Ségolène Royal en devenant l’un de ses porte-parole. Ce dernier trouve en la candidate une énergie capable de porter certains thèmes des rénovateurs 51 alors que d’autres, dont le secrétaire du mouvement Michaël Moglia 52 , ont choisi de soutenir Laurent Fabius, en raison de sa position sur le projet de Traité Constitutionnel et de sa position en faveur d’une république parlementaire 53 . On retrouve les mêmes recompositions dans les soutiens à l’intérieur du NPS de Vincent Peillon et d’Henri Emmanuelli qui ne se rangent pas derrière le même candidat. Cela montre à quel point les présidentielles bousculent les courants internes du Parti socialiste. Parmi les responsables socialistes circonspects face à la démocratie participative, on mentionnera Jean Glavany 54 . Cette position est une constante dans son parcours, puisque Jean Glavany affirmait notamment son hostilité au principe du référendum d’initiative populaire qui avait été souhaité par le président Mitterrand dans sa Lettre aux Français de 1988.

« Si je rejette [le référendum d’initiative populaire] ici, c’est que je crois que cette idée entraîne la « captation » de la démocratie par des minorités extrémistes et que la succession de ces débats souvent passionnels « excite la démocratie » pour reprendre l’expression de Robert Badinter, plutôt que de lui permettre de vivre sereinement » 55 .

Ségolène Royal n’a pas seulement utilisé un thème qui a les faveurs de l’opinion 56 , elle a lié explicitement l’usage de la démocratie participative au contrôle des élus. Cette idée a été mal accueillie car la décentralisation française a accentué le pouvoir des maires qui vivent difficilement l’instauration de dispositifs de participation des habitants. Le cumul des mandats est à l’origine de ce verrouillage du système représentatif, puisque les députés-maires ont souhaité contrôler le développement de ces pratiques. En étant au Parlement, ils ont négocié une loi restreignant fortement ces instruments de participation.

Selon les données qu’a recueillies Guillaume Marrel en novembre 2003 57 , sur 577 députés, 239 sont maires soit 41,4% et sur 321 sénateurs, 22,7% le sont. La majorité des parlementaires cumulent des mandats, puisque seuls 53 députés sur 577 et 62 sénateurs sur 321 possèdent uniquement le mandat parlementaire. En France, l’enracinement local est une condition sine qua non de la durabilité politique : le local est donc un passage obligé dans la carrière d’un homme politique. Les lois de décentralisation ont reconfiguré le système politique local français tout en accentuant la nécessité de cet enracinement 58 . Le tableau 3 59 donne une idée précise du cumul des mandats à l’Assemblée Nationale et au Sénat le premier novembre 2003. Il existe un lien direct entre le cumul des mandats et la volonté de contrôler étroitement les espaces publics locaux.

Tableau 3. Cumul des mandats à l’Assemblée nationale et au Sénat en France

Les élus locaux revendiquent la légitimité du suffrage universel et la proximité avec les habitants, ils sont au centre de l’espace public local et ne tolèrent pas que d’autres institutions se créent en-dehors de leur influence. La discussion autour des jurys citoyens et du tirage au sort n’a fait que raviver cette crainte dont Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn se sont fait les porte-parole. Force est de constater que le système représentatif français ne fonctionne pas bien, car par rapport aux autres pays européens, nous sommes le pays comptant le plus d’élus par habitant. En effet, nous avons un élu pour 118 habitants alors que l’Allemagne compte un élu pou 350 habitants 60  ; ce gain quantitatif ne garantit pas la qualité de la vie démocratique, d’où le souhait de certains d’ajouter aux élections des instruments de participation instaurant un autre type de rapport entre les citoyens et la politique.

La question du contrôle des élus fait également partie de l’héritage idéologique de la gauche française puisque Pierre Mendès-France en avait fait l’un des piliers d’une démocratie rénovée.

« Un écran s’interpose entre les institutions et le peuple, le peuple ne se reconnaît ni dans les candidats, au moment de faire des choix, ni dans les élus, lorsqu’ils exercent leurs fonctions […] Ce serait l’intérêt bien compris des hommes politiques, qui revaloriserait ainsi le crédit du régime et leur crédit propre, d’accepter certaines dispositions organisant d’une manière directe le contrôle de l’opinion publique sur la situation personnelle de ses mandants » 61 .

Cette conviction a été exposée lors d’un discours sur la « crise de la démocratie » à Evreux en juillet 1955 à propos des problèmes que traversait le régime de la IVe République. Ainsi, en conjuguant l’idée de démocratie participative au contrôle des élus et à la limitation du cumul des mandats, la candidate Royal a soigné sa stratégie de démarcation dans le champ de la rénovation démocratique 62 .

Le thème de la démocratie participative personnifie la stratégie de Ségolène Royal, ce serait néanmoins une erreur de ne le considérer que comme un simple effet de communication et de ne pas envisager ses implications. Tout comme l’expérience yougoslave servait de référence aux utopies autogestionnaires dans les années 1960 63 , les budgets participatifs institués à Porto Alegre deviennent également un mythe re-structurant pour une partie de la gauche française. Écarter la démocratie participative sous prétexte qu’elle favorise la démagogie, c’est méconnaître la manière dont elle fonctionne même si elle ne saurait constituer une formule magique censée résoudre les problèmes des Français. Le problème est qu’elle ne suffit pas à faire un programme et qu’elle risque d’occulter des questions jugées primordiales par les Français. La difficulté pour Ségolène Royal consiste à faire reposer sa démarche sur des instruments en cours d’expérimentation et qui n’ont pas suffisamment prouvé leur efficacité sur des politiques publiques de grande ampleur. Tout comme l’autogestion par le passé, il est risqué de parier sur ce type d’instrument qui, par définition, doit garder une part de spontanéité et s’accorder aux circonstances de son usage.

Pierre Merle avait d’ailleurs repéré, lors de la campagne présidentielle de 2002, une fâcheuse tendance à la convoquer dans beaucoup de débats.

« Je relevai l’expression sur France Inter le 12 février 2002, ce qui ne veut naturellement pas dire, loin de là, qu’elle n’avait pas été utilisée auparavant. Mais là, ça fusait littéralement tous azimuts, aux côtés d’autres types de démocratie comme la « démocratie scientifique » et même la « démocratie de proximité » (existerait-il une « démocratie d’éloignement », par hasard ?). Il est vrai qu’on était en période préélectorale présidentielle, mais enfin...Démocratie participative, donc ! Et moi de me demander alors aussi sec et avec une naïveté à peine feinte s’il se pouvait qu’il y en eût une, digne de ce nom, qui ne le soit pas » 64 .

Le mot ne doit pas primer sur la chose et seule une définition rigoureuse de ses instruments permet de comprendre ses avantages et ses limites. Hasard des calendriers, un colloque à Toulouse sur « la démocratie participative en Europe » 65 s’est tenu du 15 au 17 novembre en même temps que le premier tour de l’investiture socialiste. La démocratie participative est d’une certaine façon une mise en abyme voire un prétexte à la rénovation des institutions, sujet porté par de nombreux candidats à la présidentielle plutôt qu’un nouveau style caractérisé de faire de la politique.


  1. Stratégiquement, Ségolène Royal utilise la démocratie participative comme une méthode déviante par rapport aux lignes classiques du parti et base une partie de sa communication sur cet aspect-là. Elle devient outsider (au sens où l’entend Howard S. Becker) sur un thème largement approuvé par l’opinion publique. Howard S. BECKER, 1985, Outsiders, études de sociologie de la déviance, Traduit de l’américain par J.-P. BRIAND et J.-M. CHAPOULIE, Paris, éditions Métailié.

  2. Dominique BOURG, Daniel BOY, 2005, Conférences de citoyens, mode d’emploi, Paris, éditions Charles Léopold Mayer, Paris, p. 5.

  3. L’étude des jurys citoyens berlinois par Eléonore Koehl et Yves Sintomer a été l’une des premières sur la question en Europe. Eléonore KOEHL, Yves SINTOMER, Juillet-août 2002, Les jurys de citoyens berlinois, Rapport final pour la Délégation Interministérielle de la Ville, 135 pages.

  4. Stéphane ROZÈS, septembre-octobre 2006, « Comprendre la présidentielle », Le Débat, n°141, pp. 65-66.

  5. Certains instruments ont été institutionnalisés comme le débat public créé par la loi Barnier du 2 février 1995 créant une Commission Nationale du Débat Public dépendante du Ministère des Transports. La loi du 27 février 2002 a rendu la CNDP indépendante de ce Ministère afin de garantir sa neutralité dans les débats qu’elle organise.

  6. La première conférence de consensus a eu lieu en France en 1998 à propos des OGM. Daniel BOY, Dominique DONNET KAMEL, Philippe ROQUEPLO, 2000, « Un exemple de démocratie participative : la « conférence de citoyens » sur les organismes génétiquement modifiés », Revue française de science politique, Volume 50, n°4-5, pp. 779-810.

  7. Dans les commentaires du 2e débat télévisé sur la chaîne parlementaire, Roger Karoutchi, sénateur UMP, a opposé suffrage universel et tirage au sort en concédant l’idée d’une « respiration démocratique » entre deux mandats opérée par des référendums et des référendums d’initiative locale (24/10/2006).

  8.  Source : Marie-Hélène BACQUÉ, Henri REY, Yves SINTOMER (dir.), 2005, Gestion de proximité et démocratie participative, une perspective comparative, Paris, éditions La Découverte, 2005, p. 23.

  9. Roberto Unger MANGABEIRA, 1998, Democracy realized, the progressive alternative, Londres, New York, éditions Verso, 1998, pp. 263-277.

  10. Pierre LASCOUMES, Patrick LE GALÈS, 2004, Gouverner par les instruments, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, p. 12

  11. La réaction d’André Laignel, proche de Laurent Fabius et secrétaire général de l’Association des Maires de France est évocatrice de l’hostilité d’un certain nombre d’élus locaux à cette proposition : « en proposant qu’un « jury populaire » juge l’action des élu(e)s, Madame Royal fait reculer les frontières de la République. La République, c’est la Démocratie c’est-à-dire le vote du peuple dans son ensemble et non « par tirage au sort ». Cela reviendrait à substituer le sondage au suffrage universel. […] Désigner, dans la veine de l’antiparlementarisme le plus sommaire, les élu€s comme des irresponsables potentiel(le)s qu’il faudrait mettre en examen permanent, pour flatter les électeurs, relève d’une démagogie proche du populisme », Interview à la LCI, 23 octobre 2006.

  12. Elle a notamment plaidé en faveur de l’introduction de jurys citoyens dans les débats du 22/11/2002 à l’Assemblée Nationale.

  13. Elle a inauguré le colloque international « Des expériences de démocratie participative au niveau local et régional : un dialogue entre l’Europe et l’Amérique latine », 02/06/2005 à la Maison de la Région et elle évoque la façon dont elle a travaillé le champ de la démocratie participative en s’inspirant des travaux de Loïc Blondiaux et d’Yves Sintomer.

  14. Lors du Grand Oral IEP Bordeaux/Sud-Ouest du 28 octobre 2005, elle a affirmé que si « la concertation est collective, la décision, elle, reste solitaire ». Le rôle de l’élu est de consulter encore plus et d’associer les citoyens pour légitimer des décisions importantes, cet exercice devant se déployer à tous les niveaux. Les budgets participatifs ont été expérimentés dans une quarantaine d’établissements. Le Conseil Régional du Poitou-Charentes a décidé de financer les 292 projets classés en tête parmi les assemblées du Budget Participatif dans chaque établissement.

  15. Ségolène Royal revendique cette formule novatrice de la démocratie participative sur son blog de campagne. L’idée est de procéder à des débats participatifs au cours desquels des synthèses d’arguments sont proposées régulièrement.

  16. Laurent Fabius est maire-adjoint du Grand Quevilly, commune proche de Rouen tandis que Dominique Strauss-Kahn est maire-adjoint de Sarcelles.

  17. Bernard MANIN, 1996, Principes du gouvernement représentatif, Paris, éditions Champs Flammarion, p. 66. Le choix de l’élection comme mode de sélection des gouvernants distingue les régimes représentatifs modernes des démocraties antiques où le système du tirage au sort assurait une répartition égalitaire des charges politiques.

  18. Jacques RANCIÈRE, 2005, La haine de la démocratie, Paris, éditions La Fabrique, p. 47.

  19. Eléonore KOEHL, Yves SINTOMER, Juillet-août 2002, Les jurys de citoyens berlinois, Rapport final pour la Délégation Interministérielle de la Ville, p. 48.

  20. Anne-Cécile MERCIER, juillet 2003, « Le référendum d’initiative populaire, un trait méconnu du génie de Condorcet », n°55, Revue française de Droit constitutionnel, pp. 483-513.

  21. Proposition de loi n°1726, 22 juin 1999, http://www.assemblee-nat.fr/propositions/pion1726.asp.

  22. Proposition de loi n° 1726, article 14.

  23. Hélène DESBROUSSES-PELOILLE, 1986, « Représentations de l’autogestion », Revue française de science politique, volume 36, n°5, p. 606.

  24. André Farine, Nord-Eclair, 30/11 et 01/12/1977 : « De Gaulle avait l’art du mot qui fixe l’idée. Ainsi, ayant intuitivement perçu l’aspiration des Français à être constamment maîtres de leur destin, à peser de manière plus continue sur leurs conditions d’existence, propulsa-t-il sur la scène publique le terme de « participation ».

  25. André Farine, Nord-Eclair, 30/11 et 01/12/1977 .

  26. Discours de Jacques CHABAN-DELMAS devant l’Assemblée Nationale, 16 septembre 1969.

  27. Discours de Jacques CHABAN-DELMAS devant l’Assemblée Nationale, 16 septembre 1969.

  28. Le référendum visait une transformation du Sénat ainsi qu’une revalorisation du rôle des régions.

  29. Pierre ROSANVALLON, 1976, L’âge de l’autogestion, Paris, éditions du Seuil, p. 7.

  30. « Commune et autogestion », Critique Socialiste, Revue théorique du PSU, n°26/27, octobre-décembre 1976.

  31. Roland CAYROL, 1975, « L’univers politique des militants socialistes », Revue française de science politique, année 25, n°1, pp. 26-27.

  32. Pierre ROSANVALLON, 1976, L’âge de l’autogestion, Paris, éditions du Seuil, p. 65.

  33. Rainer SCHÜRMANN, 1996, Des Hégémonies brisées, Mauvezin, éditions Trans-Europ-Repress.

  34. Reinhart KOSELLECK, 2000, Le Futur Passé, Contribution à la sémantique des temps historiques, Traduit de l’allemand par Jochen Hoock et Marie-Claire Hoock, Bonn, Paris, éditions EHESS, p. 291.

  35. Philippe GARRAUD, 1978, « Discours, pratiques et idéologie dans l’évolution du Parti socialiste », Revue française de science politique, volume 28, n°2, p. 260.

  36.  Source : d’après Christophe Wargny, Mairies frappées d’autogestion, éditions Syros, 1978

  37. La charte des GAM eut pour objectif de promouvoir un « idéal de démocratie authentique et non formelle, fondée sur la participation des citoyens à tous les niveaux où se prennent les décisions » (Robert DE CAUMONT, Marc TESSIER, 1971, Les Groupes d’action communale, Paris, éditions universitaires, p. 46).

  38. Marc Wolf fut l’un des premiers maires en France à avoir recours à ce type de référendum budgétaire totalement illégal mais à la base d’un contrat avec les habitants. Marc Wolf a été maire de cette commune pendant trois mandats (1977, 1983 et 1995) avant d’être battu aux élections de 2001. Il a eu recours trois fois aux référendums communaux et a élaboré d’autres dispositifs (sondages auprès de la population, correspondants de quartier, réunions dans les immeubles, Conseil d’étrangers non communautaires). Marc WOLF, Jacqueline OSSELIN, 1979, Les ascenseurs de la ZUP, Contrôle populaire et autogestion municipale, Paris, éditions François Maspéro.

  39. Les appropriations du thème de l’autogestion ont été adaptées à l’idéologie de chaque parti de gauche. Rappelons que l’expérience yougoslave a été au cœur des débats sur la façon dont l’autogestion pouvait être importée dans d’autres pays. Comme l’écrivait Albert Meister à la fin des années 1960, l’une des fonctions de l’autogestion est de créer « une nouvelle élite grâce à la sélection démocratique faite dans les organes électifs de toutes sortes ». Albert MEISTER, 1970, Où va l’autogestion yougoslave ?, Paris, éditions anthropos, p. 271.

  40. Pierre ROSANVALLON, 1976, L’âge de l’autogestion, Paris, éditions du Seuil.

  41. Le thème de l’autogestion a influencé le domaine de l’entreprise et celui de l’éducation. Ségolène Royal, dans la région de Poitou-Charentes, a instauré des instruments de démocratie participative au sein de certains lycées. En tant qu’ancienne ministre déléguée à l’éducation nationale, elle s’est intéressée de près à la façon dont les élèves pouvaient intervenir dans le budget de l’établissement pour mener des projets qui les concernent.

  42. Le Parti Socialiste a procédé à une consultation de ses militants en décembre 2004 sur la position du Parti quant au projet de Traité Constitutionnel européen.

  43. L’Hebdo des socialistes, 24 juin 2006, p. 15 : « dans les six mois après les présidentielles, un référendum proposera une réforme ouvrant la voie à une nouvelle République parlementaire ». L’Express, semaine du 24 au 30 août 2006, « Si j’étais président », p. 28.

  44. Ces discussions sont délicates puisque la 5e République n’est, selon Nicolas Baverez, ni présidentielle ni parlementaire. Nicolas BAVEREZ, 2006, Que faire ?, Paris, éditions Perrin, p. 37.

  45. Laurent FABIUS, L’Hebdo des socialistes, n°423. Le candidat reprend les éléments présentés dans le projet socialiste sur la modernisation des institutions (droit de pétition, loi d’initiative citoyenne). Réussir ensemble le changement, Le projet socialiste pour la France, 2006.

  46. Laurent FABIUS, L’Hebdo des socialistes, n°423.

  47. On peut saluer cette respiration démocratique que constituent les primaires. Aux Etats-Unis, les primaires constituent l’un des moments importants de la vie démocratique. Michael BEHRENT, 2005, « Iowa 2004 : une authentique expérience démocratique », dans Tissage 3, pp. 20-35.

  48. Arnaud MONTEBOURG, François BASTIEN, 2005, La Constitution de la 6e République : réconcilier les Français avec la démocratie, Paris, éditions Odile Jacob.

  49. Motion présentée par le NPS au Congrès de Dijon en novembre 2005. « Contribution du Nouveau Parti Socialiste au diagnostic de la société dans le cadre de l’élaboration du projet du Parti Socialiste », Document interne, p. 62.

  50. Arnaud Montebourg est l’un des rares responsables politiques à prôner le contrôle des élus et notamment des budgets des diverses collectivités territoriales. Arnaud MONTEBOURG, 2000, La machine à trahir : rapport sur le délabrement de nos institutions, Paris, éditions Denoël, p. 131 : « il faudra bien finir par obliger les administrations locales à donner des informations aux citoyens sur simple demande, et offrir aux contribuables la possibilité de contester à tout moment, et de participer à la délibération. Donner également aux citoyens la possibilité de saisir les chambres régionales des comptes afin d’obtenir vérification et contrôle rapide de délibérations qu’ils contestent ».

  51. L’Express, 26/10/2006, « Montebourg Citoyenne Ségolène », propos recueillis par Elise Karlin, p. 76 : « [la mise en place des jurys citoyens] est une proposition inspirée de la démocratie athénienne, où les élus rendaient compte de leur mandat et acceptaient d’évaluer leurs propres choix devant les citoyens. […] La proposition de Ségolène Royal se situe dans l’esprit du projet de Vie République, que les rénovateurs défendent avec constance. Je pratique moi-même ces comptes rendus de mandat dans ma circonscription depuis neuf ans et les considère comme une forme d’évaluation. La sanction ? Le vote ! ».

  52. Michaël Moglia récuse ce type de procédure et montre que c’est une erreur de diagnostic. Julien COLLETTE, Michaël MOGLIA, « L’avenir passe par une 6e République », Libération, 26 octobre 2006.

  53. 51 associations départementales sur 68 ont choisi de soutenir la démarche de ralliement à la candidature de Ségolène Royal lors du Conseil d’administration du courant le 6 octobre 2006.

  54. Interview de Jean Glavany, Le Point, « J’ai un doute quant à cette aventure personnelle », 5 octobre 2006.

  55. Jean GLAVANY, 1991, Vers la nouvelle République ou comment moderniser la Constitution, Paris, éditions Grasset, p. 131.

  56. Lorsque l’on regarde a posteriori les débats ayant eu lieu sur le projet de traité constitutionnel, on remarque une forte demande de démocratisation des institutions et une floraison de sites revendiquant l’intégration d’outils participatifs. Etienne Chouard, l’un des hérauts du non, a créé un site amalgamant toutes ces procédures d’intervention des citoyens dans la vie publique (Libération, 9 décembre 2005). De manière générale, l’ajout de l’article I 47 sur la démocratie participative avec la vague idée d’une pétition ou d’une initiative populaire de plus d’un million de personnes, traduit la difficulté qu’ont eue les conventionnels à préciser cette idée.

  57. Guillaume MARREL, 2003, L’élu et son double. Cumul des mandats et construction de l’État républicain en France du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, Thèse, IEP de Grenoble.

  58. Albert MABILEAU, 1997, « Les génies invisibles du local. Faux-semblants et dynamiques de la décentralisation », Volume 47, n°3-4, p. 345.

  59.  Source : thèse de Guillaume Marrel citée par Élodie GUÉRIN-LAVIGNOTTE, Éric KERROUCHE, 2006, Les élus locaux en Europe, un statut en mutation, Paris, La documentation française, p. 78.

  60. Élodie GUÉRIN-LAVIGNOTTE, Éric KERROUCHE, 2006, Les élus locaux en Europe, un statut en mutation, Paris, La Documentation Française, p. 14.

  61. Pierre MENDÈS-FRANCE, 1987, Pour une République moderne, tome IV, 1955-1962, pp. 89-90.

  62. Le thème de la démocratie participative est cher aux rénovateurs du Parti Communiste. Philippe Herzog a instauré un atelier de réflexion sur cette question.

  63. Dans la conclusion de l’ouvrage de Michel Lobrot, on peut tout à fait remplacer autogestion par participation. Michel LOBROT, 1966, La pédagogie institutionnelle, Paris, éditions Gauthier-Villars, p. 275.

  64. Pierre MERLE, 2005, Le nouveau charabia, le français est une langue étrangère, Cahors, éditions Milan, p. 91.

  65. Colloque organisé à Toulouse par le Laboratoire d’études et de recherches appliquées en sciences sociales (LERASS).

Premat Christophe
Premat Christophe masculin
Wormser Gérard masculin
Malentendus sur la démocratie participative
Premat Christophe
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2006-12-05
Les évolutions contemporaines du régime représentatif

Les primaires socialistes viennent de s’achever avec la victoire de Ségolène Royal qui devient la candidate officielle des socialistes pour les élections présidentielles de 2007. Lors des débats internes, une divergence s’est accentuée autour de la notion de démocratie participative, qui ne sonnait pas de la même manière chez les trois candidats. Au-delà de la stratégie de Ségolène Royal qui en a fait sa propre méthode, il importe d’effectuer une brève généalogie de ce cette notion pour voir en quoi elle est un héritage incomplet de l’autogestion, thème qui fut cher à la gauche dans les années 1970 et comment elle permet de poser en filigrane la question de rénovation des institutions de la 5e République et de la pratique politique.

Condorcet, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat (1743-1794 ; marquis de)
France
Politique et société
Démocratie
démocratie participative, instruments, autogestion, rénovation