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Des inquiétudes et une demande d'autorité

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Texte

À un an de l’élection présidentielle de 2007, que retenir des enquêtes d’opinions réalisées par les instituts de sondages ? Alors que le plus souvent les enquêtes sont publiées dans leurs grandes lignes, il n’est pas inintéressant de faire le point à partir d’études rendues publiques et accessibles sur les sites des instituts de sondage, sur les attitudes, les préoccupations, les options éventuelles de l’opinion, dans la perspective de l’élection présidentielle.

Que noter à propos des attitudes de l’opinion ? Et tout d’abord que sont les attitudes ? Elles sont un ensemble de prédispositions relativement durables faites de préférences par rapport à des valeurs 1 . Le corpus qui légitime l’ordre politique est démocratique. En conséquence, ouverture à l’autre (au monde, aux échanges, aux migrations, etc.) ou au contraire, fermeture, constituent deux attitudes participant d’un clivage signifiant par rapport aux exigences démocratiques fondamentales. Ces dernières postulent la participation du citoyen à la décision, la mobilité sociale avec pour conséquence l’égalisation des conditions, elles relèvent à ce titre d’une attitude de compréhension de l’autre, d’adaptation, pour résumer d’ouverture.

La Nation comme communauté politique et culturelle exprime son sens lors de l’élection présidentielle. Que retenir avant une nouvelle échéance ? Les doutes apparus sur la capacité française à affronter les réalités mondiales actuelles sont confirmés par les sondages. Un sentiment de peur peut être décelé, qui alimente éventuellement des postures de repli (fermeture des frontières, protectionnisme, rejet de l’autre), des positionnements frileux, des perceptions sous forme de menaces. Pour autant, ce sentiment de peur n’est pas dominant au point de répandre dans la majorité de l’opinion, une attitude de rejet des changements et des dynamiques d’ouverture.

Altérités

Distinguons l’altérité économique et sociale de l’altérité culturelle. Dans le premier cas, il s’agit de défendre un modèle de développement assurant un bien être collectif et individuel ; il est perçu comme chancelant. Se dégage un pessimisme certain quant à la situation de la France dans une mondialisation capitalistique rognant les avantages sociaux. Pour autant, l’opinion nationale n’est pas prête à renoncer à la défense de son identité économique et sociale.

Dans un tel contexte d’adaptation difficile aux réalités financières notamment, le niveau culturel est l’objet d’une attitude plus fermée, mais non close ; la conscience de l’enracinement de la xénophobie et du racisme est majoritaire, la conscience de la panne de l’intégration aussi, et ces constats ne mobilisent pas l’opinion pour changer la donne. Sur le plan des politiques, l’ouverture des frontières n’est plus acceptée et l’idée grandit que les communautés ont tendance à se cloisonner et à cohabiter, mais pas à se comprendre et à communiquer. Comme si auprès de certaines catégories, lourd d’investissements symboliques et fantasmatiques le rejet culturel compensait l’obligation d’accepter une ouverture économique menaçante. Cette attitude ne semble néanmoins pas majoritaire.

Pessimisme collectif

Selon le « BPF (2006-2007) CEVIPOF-Ministère de l’Intérieur », 76% des sondés 2 estiment que les générations à venir auront moins de chances de réussir que les générations précédentes (16% autant et 5% seulement plus de chances). Cet indicateur confirme des résultats obtenus par CSA quelques mois auparavant. Les plus pessimistes sont à cet égard les professionnels indépendants.

Ce pessimisme prévisionnel est alimenté par une vision de la situation actuelle majoritairement désenchantée : 54% des interrogés font le constat qu’ils s’en sortent difficilement avec leurs revenus contre 46% facilement, mais les opinions demeurent modérées (proportions faibles de très difficile ou très facile). D’ailleurs, selon CSA, 85% des sondés se disent heureux individuellement mais 72% pensent que les français en général ne sont pas heureux 3 . Le divorce entre perception individuelle et collective est manifeste, il semble montrer une difficulté à vivre ensemble, un affaiblissement du sentiment d’appartenance à une communauté nationale épanouissante.

Selon le BPF, le pessimisme collectif est néanmoins confirmé. 52% des interrogés pensent que la situation de la France est déclinante et 40% qu’elle n’est ni en déclin ni en progrès, tandis que seulement 8 % l’estiment en progrès 4 . Le pouvoir d’achat (74%) et l’enseignement (48%) sont estimés à de fortes proportions en déclin. Le système de santé est à la fois pensé en déclin (47%) et en progrès (31%), la dichotomie indiquant un clivage. Selon le BPF, le clivage est cette fois majoritaire entre le déclin et la stagnation pour : l’influence dans le monde, la solidarité, la compétitivité des entreprises (à la faveur du déclin en moyenne recueillant 40% des opinions contre 30% environ en faveur de la stagnation).

Mais le système de santé (69%), les infrastructures (67%), les services publics (62%), les entreprises de grande taille, la recherche (61%), le rôle international, le système éducatif (53%), sont perçus comme des atouts et non des handicaps pour la France. Le modèle social dans son ensemble par contre, rallie tout juste une majorité (49% contre 46%). Cadres, employés, secteur public, les plus instruits et sympathisants de gauche, conçoivent plus que les autres que le modèle social reste un atout 5 .

La nuance est donc obligatoire pour analyser la perception des atouts et handicaps de la France et ses chances pour l’avenir de préserver l’intégrité de son « modèle », soit en partie de son identité politique et institutionnelle. La tonalité se dégageant est plutôt cependant à la crainte d’une perte d’avantages à l’avenir. Surtout, un doute multidimensionnel concerne le potentiel collectif national.

Ouverture économique : s’adapter mais ne pas renoncer

La mondialisation est perçue comme une menace pour les entreprises et le modèle social à hauteur de 46% contre 24% le pensant comme une chance. 30% concluent cependant à la neutralité par rapport à ces paramètres. Une autre enquête CSA 6 révèle que les craintes des français fin 2005 sont principalement : le chômage (61%), l’insécurité (38%), la pauvreté (35%), la crise économique (28%), le terrorisme (22%)... 7 La mondialisation n’est recensée qu’à proportion de 10% à égalité avec la perte d’identité de la France. Ainsi, lorsque la présentation des items diffère, la part de la mondialisation au sens strict dans les inquiétudes immédiates des français est relativisée. Pour autant, elle est fortement corrélée aux craintes principales telles que le chômage, la pauvreté, la crise économique. Les panels qualitatifs indiquent que la mondialisation est souvent citée comme facteur explicatif.

La mondialisation est perçue comme une bonne chose pour la consommation par 48% contre 47% des enquêtés, comme une mauvaise à hauteur de 50% contre 41% sur le plan individuel, comme une mauvaise chose à hauteur de 51% contre 40% pour le service public, pour le niveau de vie des français pour 62% contre 33% des sondés, à 65% contre 32% pour l’emploi en France... 8

Si l’impression se dégageant de la majorité des perceptions est rendue en terme de menaces et de craintes, l’ouverture aux échanges n’est pas une attitude rejetée : le débat n’est pas tranché au sujet d’un rejet, puisqu’à propos de la mondialisation des échanges économiques et de la construction européenne, si 42% estiment que la France en souffre, 33% concluent à un ni souffrance, ni bénéfice, le profit recueillant 25% environ 9 . Par ailleurs, 54% des sondés veulent davantage de flexibilité du travail contre 45%, 63% contre 36% étant d’accord avec l’idée que les entreprises aient plus de libertés par rapport à l’État, et 43% souhaitent que le France s’ouvre vers le monde contre 31% qu’elle se protège.

Pour autant, la majorité des sondés (58%) souhaite travailler autant qu’aujourd’hui ; seulement 27% veulent travailler davantage pour avoir un niveau de vie plus élevé – (dont plus jeunes et ouvriers sont les plus demandeurs). 41% souhaitent travailler 35 heures, 10% 35 heures ou moins, 15% jusqu’à 40 heures, 24% 40 heures, 7% plus 10 , soit au total 47% plus de 35 heures. Le signe est donc donné de l’acceptation d’une éventuelle adaptation de la RTT aux exigences de compétitivité, davantage que la moyenne par les cadres et indépendants, les salariés du public et du privé se positionnant majoritairement en faveur d’un souhait pour les 35 heures (50%).

Il n’y a donc pas de crispation ou de rejet face aux réalités économiques de la mondialisation, mais pas de renonciation non plus à la réalité sociale française. Au cœur de cette opinion en travail, la résignation n’est en effet pas acquise. CSA révèle que pour 43%, il faut changer le système capitaliste ou bien radicalement ou bien en profondeur, 43% réclament des changements de certains aspects seulement. Les cadres et professions intermédiaires veulent plus que la moyenne des changements en profondeur.

Si la France doit s’adapter aux réalités du capitalisme contemporain, il semble que son opinion majoritaire souhaite aussi qu’elle participe à la réforme de ses dérives tout en préservant certains acquis. Les projets politiques devront faire la démonstration qu’ils veulent adapter le modèle social et économique français, son identité, tout en maximisant ses chances de réussite internationale. Au vu d’une telle ambivalence, la rupture est-elle une bonne doctrine ?

Ouverture culturelle

Si l’ouverture économique invite à modifier le modèle social, la question de l’ouverture des frontières aux personnes dans un tel contexte, mais plus largement la question de l’ouverture culturelle à l’autre, est résolue avec plus de propension à la crispation identitaire. Pour autant, la conception dominante d’une société fermée ne semble pas ressortir des enquêtes d’opinion consultées.

La xénophobie et le racisme sont des pôles extrêmes d’une attitude de référence à la société fermée. 33% des sondés avouent être racistes contre 65% qui disent ne pas l’être. Parmi eux, les plus anciens, les indépendants, les moins diplômés, les catholiques non pratiquants... le confessent plus que la moyenne. 63% des sondés pensent que certains comportements peuvent justifier des réactions racistes contre 34% pensant que non. La tolérance envers la xénophobie est proportionnelle à l’âge (> 50 ans), supérieure auprès des CSP artisans, commerçants, des catégories à faible niveau d’éducation (proportions supérieures au moins de 10% à la moyenne).

Pour autant, 60% des interrogés pensent que la justice doit condamner les propos racistes comme « sale arabe », etc. contre 27% qui pensent le contraire. Les ouvriers, les chômeurs (44%), les retraités sont plus nombreux que la moyenne à estimer qu’il ne faut pas condamner judiciairement de telles insultes. La propension à condamner est plus élevée au sujet de l’insulte sale juif, d’autres indicateurs témoignant du degré d’assimilation plus élevé de cette communauté.

88% des enquêtés CSA-CNDH estiment que le racisme est désormais une attitude répandue, contre 10% l’inverse. Désormais pour 52% contre 35% le racisme est répandu en milieu scolaire, constat que les 18-24 ans font à hauteur de 63% dont chez les étudiants 67% ! La conscience des discriminations est forte, aussi bien au sujet des étrangers (73% pensent qu’une personne étrangère a plus de difficulté à compétence et formation égales pour trouver du travail), qu’au sujet des maghrébins et africains en particulier (85%), mais aussi des handicapés (89%).

66% des sondés pensent nécessaire la lutte « vigoureuse » contre le racisme. Parmi ceux qui la pensent inutile, ouvriers, indépendants, retraités, moins éduqués sont plus nombreux que la moyenne. L’éducation de la tolérance à l’école d’abord, de la langue française aux immigrés ensuite, le recul de l’insécurité, la diminution de la concentration d’immigrés dans certains quartiers, le recul du chômage, la lutte contre l’immigration clandestine sont selon plus de 70% de l’opinion les moyens requis pour faire reculer le racisme. Pour autant, 50% contre 46% seraient prêts à signer des pétitions contre le racisme, 65% ne se disent pas prêts à manifester contre la racisme, 60% pas prêts à signaler un comportement raciste à la police, etc. Aucun item proposant une action de mobilisation n’est majoritaire.

Dans les items relevés après questions ouvertes, la majorité des sondés met en cause la capacité de l’immigré à s’intégrer (63%) plutôt que celle de la société française à intégrer (44%). Une conception de l’intégration reposant d’abord sur la responsabilité de l’immigré domine. Ainsi, les mœurs, la culture, les modes de vie différents constituent une raison à hauteur de 31%, le manque d’effort (25%), la religion (14%) et la langue (11%) étant également cités. Les difficultés culturelles sont davantage relevées par les professions intermédiaires, le manque d’effort par les 50-74 ans, artisans commerçants et les chômeurs, la religion par les sans diplôme et les zones rurales, la langue par les CSP +, les salariés du secteur public. 

Du côté des défaillances de la société française sont relevés : les discriminations et le racisme (21%), le manque d’effort des français (16%), la lacune des politiques (10%), la ghettoïsation (7%). Selon 11%, le problème réside dans le manque de travail. Les jeunes, CSP+, plus diplômés, salariés du public sont davantage sensibles que la moyenne aux discriminations, le manque d’effort étant aussi davantage noté par les habitants de régions parisienne (30%), étudiants, qui mentionnent aussi à forte proportion l’échec des politiques, comme les professions intermédiaires, employés et étudiants.

Pour la majorité des sondés, gitans (84%), musulmans (63%), maghrébins (54%), constituent des groupes à part dans la société et non des groupes ouverts, voire des personnes ne formant pas un groupe. 31% estiment que les français musulmans ne sont pas des français comme les autres, tendance en augmentation ; une nouvelle fois, retraités, peu diplômés, chômeurs et ouvriers sont surreprésentés. De plus en plus d’enquêtés développent donc une conception des personnes étrangères comme constituant des communautés hermétiques et donc à faible potentiel d’intégration.

70% des sondés, soit 10% de moins qu’un an auparavant, considèrent que les immigrés doivent être considérés en France comme chez eux parce qu’ils contribuent à l’économie française ; les ouvriers, les indépendants, les chômeurs font un tel constat à proportion de 30% en moyenne. Par ailleurs, la moitié des enquêtés considèrent que les immigrés sont nécessaires pour exercer certaines professions.

De même pour 24% d’interrogés, proportion en hausse, la démocratie ne doit pas être jugée en fonction de sa capacité à intégrer les immigrés. Ouvriers, indépendants, professions libérales, retraités sont une nouvelle fois plus nombreux à refuser de considérer que la démocratie a pour mission l’intégration. 35% des interrogés ne sont pas d’accord avec l’idée que les immigrés sont une source d’enrichissement culturel.

La conception économique et sociale semble régresser à la faveur d’une conception culturelle voire culturaliste de l’immigré et de l’étranger souvent confondus. Pour autant, de façon majoritaire, ne peut être conclu à une vision dominante segmentée, cloisonnée, d’une société française divisée en communautés renonçant à communiquer.

Revenant à l’enquête CEVIPOF, le BPF confirme la crispation : 53% contre 46% des sondés estiment qu’il y a trop d’immigrés en France. L’enquête CSA avec une autre formulation de question, met en exergue les problèmes posés par la présence d’étrangers en France ; 64 % invoquent le chômage, 18% la sécurité, la délinquance, 18% les comptes sociaux, 17% le logement...

Pourtant, 35% contre 30% estiment même que la France tire profit du mélange des cultures. De même, 36% des enquêtés pensent que la France est en progrès en matière de rayonnement culturel et 41% concluent à la stagnation. De sorte que 65% contre 35% des enquêtés s’accordent avec le projet d’octroyer le droit de vote aux étrangers aux élections municipales, 77% pensant que l’homosexualité est une manière acceptable de vivre sa sexualité. Au sujet du vote des étrangers, la fermeté de l’opinion n’est pas assurée ; en effet l’enquête CSA-CNDH de fin 2005 indique une hostilité à hauteur de 52% contre 43%.

Il semble en conséquence, qu’une part croissante de sondés démissionne à l’idée d’un volontarisme politique qui garantisse l’acculturation 11 des étrangers en France. La fermeture des frontières est majoritairement demandée. Pour autant ne peut être retenue la tonalité générale d’une conception univoque d’une communauté nationale fermée sur elle-même et rejetant la différence, enfin inconsciente des discriminations. Une lassitude point pour combattre directement ces comportements.

Autorité

La situation précédente ne crée pas un climat de peurs généralisées et une attitude globale majoritaire de rejet des altérités. Des tendances allant dans cette direction s’affirment davantage cependant. Une telle toile de fond peut être propice à la demande non circonstanciée d’autorité, profitant à une remise en ordre basique. Si attente d’autorité il y a, cette dernière prend un sens modéré en direction d’institutions privées et publiques.

Autorité n’est pas autoritarisme

Il s’agit d’une attitude valorisée et une demande en la matière semble émaner de l’opinion. L’autorité n’est pas l’autoritarisme. Á en croire CSA qui construit un indice d’autoritarisme à partir de plusieurs questions 12 , 44% des interrogés se positionnent sur une ligne peu ou pas autoritaire, 54 % sur une ligne très ou assez autoritaire. Une lecture médiane indique que 66% se situent dans le cadre des peu ou assez autoritaires. Les employés, chômeurs, révèlent plus que la moyenne un comportement très autoritaire, de même que les sympathisants UMP ; les retraités font de même en direction d’un comportement assez autoritaire.

Si l’autoritarisme n’est pas l’autorité, qu’est-ce que l’autorité  ? Pour 80% il s’agit de se faire respecter, pour 70% être responsable, pour 65% être compétent, pour 58% avoir de l’expérience, ..., mais pour 32% se faire craindre et pour 38% avoir du pouvoir. La notion d’autorité est donc fondée sur des compétences liées à la médiation, aux critères objectivés de reconnaissance sociale, mais pas sur une compétence à manipuler la sanction et la peur. Les moins de 30 ans, les employés et ouvriers, les moins diplômés, associent davantage l’autorité que la moyenne au fait d’avoir du pouvoir (écart modéré de 4% environ).

Plus d’autorité dans le cadre de la socialisation primaire

Le terme étant approché, quelles sont les institutions que les sondés privilégient au regard d’une telle qualité  ? Il s’agit d’un sursaut exigé d’institutions sociales et politiques mais pas économiques et professionnelles. La demande est assez dense, puisque sur quatre organisations testées 13 , 54% veulent qu’au moins deux institutions recouvrent plus d’autorité et à 13% dans une seule et l’opposé 5% seulement dans aucune. Les plus diplômés, les cadres, les plus jeunes sont davantage que la moyenne dans ces derniers cas (8% et 20%environ).

74% contre 23% estiment que le supérieur hiérarchique a suffisamment d’autorité et 44% seulement veulent que les entreprises aient plus d’autorité. La demande concerne à priori davantage la socialisation primaire et la vie privée : école et famille devraient à hauteur de 84% et 74% receler davantage d’autorité. Au sujet de l’école et de la famille, la demande est plus forte chez les sympathisants de droite, ouvriers et employés, moins forte chez les plus jeunes, diplômés et les cadres supérieurs ; mais la répartition est relativement homogène.

Il est intéressant de noter que la demande d’un surcroît d’autorité de l’État face aux citoyens concerne 55% des sondés, 29% ne souhaitant ni plus ni moins d’autorité et 13% moins. Les ouvriers, employés, continuent à une proportion atteignant 60% à demander plus d’État. Le clivage apparaît entre salariés et inactifs d’une part très favorables à plus d’autorité étatique, travailleurs à leur compte d’autre part, moins favorables à cette orientation (au moins 10% d’écart).

Quelles institutions pour orienter l’action ?

Quelles sont les institutions qui apparaissent le plus crédibles pour orienter l’action ? Selon les sondés, il faut davantage entendre les parents (90%), l’école (89%), les scientifiques (77%), la justice (72%) 14 , la police (63%), le gouvernement et les élus (46% contre 36% de ni plus ni moins) 15 ... Les plus jeunes, les cadres (32%), les chômeurs (46 %), les plus diplômés ne veulent pas que la police soit davantage écoutée. De même les cadres, les professions intermédiaires, les chômeurs, les plus diplômés ne souhaitent pas une meilleure obéissance au gouvernement. Dans les deux cas, les souhaits sont d’abord pour une écoute identique ensuite pour moins d’autorité. Ces informations permettent de relativiser le discours redondant sur une remise en cause de certaines institutions comme pourvoyeuses d’autorité. Émane, avec nuances, une attente de recouvrement d’autorité, mais en rien une exigence de déstabilisation de l’idée d’institution d’une part, de leur illégitimité à avoir de l’autorité d’autre part.

Par contre, le même indicateur permet de relever que 51% des interrogés veulent que les médias aient moins d’influence et 33% ni plus ni moins, 42% souhaitent que les sportifs célèbres soient moins écoutés, de même que les artistes célèbres [46% ni plus ni moins, voire moins suivis (37%)]. Ces informations semblent indiquer une certaine lassitude vis à vis du charisme d’opinion. Au sujet des médias, comme des sportifs, la défiance vient davantage que la moyenne des cadres, des plus diplômés. Les interrogés semblent parfois se détourner de la démocratie d’opinion dont « on » explique qu’elle remplace de plus en plus la démocratie institutionnelle classique...

Conclusion

Ainsi, qu’il s’agisse de mondialisation économique ou de mondialisation culturelle, d’ouverture et d’insertion dans ces échanges, la polarisation n’est pas durablement acquise au bénéfice d’une perception en termes de déclin et de rejet. Pour autant, à un an de l’échéance, la perception majoritaire reste connotée par un sentiment de frilosité face aux risques.

Face à un manque de visibilité du sens de l’action publique, la demande d’autorité est confirmée vis-à-vis d’institutions. Mais ce souhait correspond davantage à une socialisation primaire (école, famille) que secondaire (économique, politique). La demande d’un ressourcement de l’autorité politique émane cependant d’une majorité d’interviewés.

À cet égard, la campagne sera stratégique et permettra notamment de mesurer si les partis de gouvernement ont la force de susciter un espoir politique et par leurs propositions, de « réveiller » l’idée de progrès par l’action publique.


  1.  Les attitudes sont des schèmes de perception et d’action qui prédisposent à agir et conditionnent les comportements et opinions. L’attitude, plus intériorisée est donc plus stable que l’opinion, mais toujours déchiffrable par rapport à un objet extérieur, donc dans une situation d’interaction ou d’interdépendance.

  2.  « Baromètre Politique Français (2006-2007) CEVIPOF-Ministère de l’Intérieur ». Les données du BPF 2006-2007 ont été produites par le CEVIPOF avec le soutien du Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire. Le BPF 2006-2007 se déroule en quatre vagues de mars 2006 à janvier 2007 réalisées par l’IFOP. Les données seront déposées et disponibles auprès du Centre de données socio-politiques de Sciences Po. Interrogation de 5650 personnes à partir de 7 échantillons régionaux représentatifs de la population âgée de 18 ans et plus, inscrites sur les listes électorales.

  3.  Sondage exclusif CSA / CHALLENGES réalisé par téléphone les 7 et 8 décembre 2005. Échantillon national représentatif de 1004 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage), après stratification par région et taille d’agglomération.

  4.  La question posée est : « Aujourd’hui, estimez-vous que la France est en progrès, en déclin, ou ni l’un ni l’autre ? »

  5.  CSA / CHALLENGES, op. cit.

  6.  CSA, CNCDH, Sondage exclusif CSA / CNCDH / SERVICE D’INFORMATION DU GOUVERNEMENT réalisé en face à face du 17 au 22 novembre 2005. Échantillon national représentatif de 1011 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage), après stratification par région et catégorie d’agglomération.

  7.  Les enjeux dans la perspective de la présidentielle seront traités dans un autre article.

  8.  Ibid.

  9.  L’item est ainsi formulé : La France vous paraît-elle tirer profit ou souffrir des évolutions suivantes du monde d’aujourd’hui ?

  10.  Sondage exclusif CSA / L’HUMANITÉ DIMANCHE réalisé par téléphone les 1er et 2 mars 2006. Échantillon national représentatif de 1004 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage), après stratification par région et catégorie d’agglomération.

  11.  Notion insistant sur la traduction entre valeurs culturelles de communautés distinctes qui conduit à la transformation respective des groupes en contact.

  12.  CSA construit un indice autoritarisme à partir de la question :

  13.  École, famille, État, entreprise.

  14.  Avec une proportion inférieure de 10% à la moyenne pour les cadres et chômeurs

  15.  La question précise est : « ... selon vous, devrait-on accorder plus, moins ou ni plus ni moins d’importance à ce que chacune des institutions ou personnes suivantes fait ou dit ? »

Rouquan Olivier
Premat Christophe masculin
Wormser Gérard masculin
Des inquiétudes et une demande d'autorité
Rouquan Olivier
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2006-06-01
Les évolutions contemporaines du régime représentatif

À un an de l’élection présidentielle, que retenir des enquêtes d'opinions réalisées par les instituts de sondages ? Alors que le plus souvent les enquêtes sont publiées dans leurs grandes lignes, il n’est pas inintéressant de faire le point à partir d’études rendues publiques et accessibles sur les sites des instituts de sondage, sur les attitudes, les préoccupations, les options éventuelles de l’opinion.

In Ecce Homo, Nietzsche introduces the idea of a « casuistic of egoism », which he presents as an alternative to the set of rules imposed by morality. This article is a comment on §10 of the chapter entitled “Why I am so Clever”, where Nietzsche unveils what is philosophically at stake behind his defence of egoism. On an individual level, egoism is conceived as a therapy against the moral disease, operating on three levels : it re-establishes self-concern against disinterestedness, self-affirmation against self-destruction, and allows the affirmation of reality as opposed to the fantasies of moral ideals. Egoism also has a cultural significance, as it carries the possibility of creating new values. The importance given to egoism in Nietzsche’s late thought must be taken into account in interpreting the whole of his work, notably in its political aspects.

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